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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

la clôture de l’assemblée ; le roi se rendit à la séance ; son discours fut souvent interrompu par les applaudissements, et lorsqu’il dit : « Pour vous, messieurs, qui, dans une longue et pénible carrière, avez montré un zèle infatigable, il vous reste encore un devoir à remplir lorsque vous serez dispersés sur la surface de cet empire : c’est d’exprimer à vos concitoyens le véritable sens des lois que vous avez faites pour eux, d’y rappeler ceux qui les méconnaissent, d’épurer, de réunir toutes les opinions par l’exemple que vous leur donnerez de l’amour de l’ordre et de la soumission aux lois. — Oui, oui ! s’écrièrent d’un commun accord tous les députés. — Je compte que vous serez l’interprète de mes sentiments auprès de vos concitoyens. — Oui, oui ! — Dites-leur bien à tous que le roi sera toujours leur premier et leur plus fidèle ami ; qu’il a besoin d’être aimé d’eux ; qu’il ne saurait être heureux qu’avec eux et que par eux : l’espoir de contribuer à leur bonheur soutiendra mon courage, comme la satisfaction d’y avoir réussi sera ma plus douce récompense. » — C’est un discours à la Henri IV, dit une voix ; et Louis XVI sortit au milieu des plus éclatants témoignages d’amour.

Alors Thouret dit d’une voix forte et en s’adressant au peuple : « L’assemblée constituante déclare que sa mission est achevée, et qu’elle termine en ce moment ses séances. » Ainsi finit cette première et glorieuse assemblée de la nation : elle fut courageuse, éclairée, juste, et n’eut qu’une passion, celle de la loi. Elle accomplit en deux ans, par ses efforts et avec une infatigable persévérance, la plus grande révolution qu’ait jamais vue une seule génération de mortels. Au milieu de ses travaux, elle réprima le despotisme et l’anarchie en déjouant les complots de l’aristocratie, et en maintenant la subordination de la multitude. Son unique tort fut de ne pas confier la conduite de la révolution à ceux qui l’avaient faite ; elle se démit du pouvoir, comme ces législateurs de l’antiquité qui s’exilaient de la patrie après l’avoir constituée. Une assemblée nouvelle ne s’attacha point à consolider son œuvre, et la révolution qu’il fallait finir fut recommencée.