Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

salut public que des mesures avouées par la loi. Cette lettre excita de vives contestations entre le côté gauche et le côté droit de l’assemblée. Quoiqu’elle n’eût que des motifs purs et désintéressés, elle parut, de la part d’un jeune général, à la tête de son armée, une démarche à la Cromwell, et dès ce moment la réputation de Lafayette, jusque là ménagée par ses adversaires, commença à être attaquée. Du reste, à ne considérer cette démarche que sous son rapport politique, elle était imprudente. La Gironde, repoussée du ministère, arrêtée dans ses mesures de salut public, n’avait pas besoin d’être excitée davantage, et il ne fallait pas non plus que Lafayette, dans l’intérêt même de son parti, usât son ascendant à pure perte.

La Gironde songea, pour sa sûreté et celle de la révolution, à reconquérir la puissance, sans sortir cependant encore des moyens constitutionnels. Son but ne fut point, comme plus tard, de détrôner le roi, mais de le ramener au milieu d’elle. Pour cela elle recourut aux pétitions impérieuses de la multitude. Depuis la déclaration de guerre, des pétitionnaires s’étaient présentés en armes à la barre de l’assemblée nationale, s’étaient offerts pour la défense de la patrie, et avaient obtenu la permission de défiler tout armés à travers la salle des séances. Cette condescendance était condamnable, et rendait illusoires toutes les lois contre les attroupements ; mais on se trouvait, de part et d’autre, placé dans une situation extraordinaire, et chacun se servait d’un moyen illégal : la cour, de l’Europe ; la Gironde, du peuple. Celui-ci était dans une très grande agitation. Les meneurs des faubourgs, au nombre desquels étaient le député Chabot, Santerre, le boucher Legendre, Gonchon, le marquis de Saint-Hurugues, le préparèrent, pendant plusieurs jours, à un acte révolutionnaire semblable à celui qui n’avait pas réussi au Champ-de-Mars. Le 20 juin, anniversaire du serment du Jeu de Paume, approchait. Sous le prétexte de célébrer, par une fête civique, cette mémorable journée, et de planter un mai en l’honneur de la liberté, un rassemblement d’environ huit mille hommes armés partit, le