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INTRODUCTION.

vouloir. En encourageant l’éloge, il prépara le blâme ; car on ne peut pas provoquer l’examen en sa faveur, sans le subir ensuite à son détriment. Lorsque les chants furent épuisés, les discussions commencèrent, et les philosophes du dix-huitième siècle succédèrent aux littérateurs du dix-septième. Tout devint l’objet de leurs recherches et de leurs réflexions ; et les gouvernements, et la religion, et les lois, et les abus. Ils découvrirent les droits, exposèrent les besoins, signalèrent les injustices. Il se forma une opinion publique forte et éclairée, dont le gouvernement subit les atteintes, et n’osa pas étouffer la voix. Elle convertit ceux mêmes qu’elle attaqua : les courtisans par bon ton, le pouvoir par nécessité, se soumirent à ses décisions, et le siècle des réformes fut préparé par le siècle de la philosophie, comme celui-ci l’avait été par le siècle des beaux-arts.

Tel était l’état de la France lorsque Louis XVI monta sur le trône, le 11 mai 1774. Des finances que n’avaient pu restaurer ni le ministère réparateur du cardinal de Fleuri, ni le ministère banqueroutier de l’abbé Terray ; un pouvoir déconsidéré, des parlements intraitables, une opinion publique impérieuse, voilà les difficultés dont le règne nouveau hérita des règnes précédents. De tous les princes, Louis XVI était celui qui, par ses intentions et ses vertus, convenait le mieux à son époque. On était lassé de l’arbitraire, et il était disposé à en abandonner l’emploi : on était irrité des onéreuses dissolutions de la cour de Louis XV, et il avait des mœurs pures, et des besoins peu dispendieux : on réclamait des améliorations devenues indispensables, et il sentait les nécessités publiques, et mettait sa gloire à les satisfaire. Mais il était aussi difficile d’opérer le bien que de continuer le mal ; car il fallait avoir la force de soumettre les privilégiés aux réformes, ou la nation aux abus, et Louis XVI n’était ni régénérateur ni despote. Il manquait de cette volonté souveraine qui seule accomplit de grands changements dans les états, et qui est aussi nécessaire aux monarques qui veulent limiter leur puissance qu’à ceux qui veulent l’agrandir. Louis XVI avait l’esprit juste, le cœur