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INTRODUCTION.

droit et bon ; mais il était sans énergie de caractère, et il n’avait aucune persévérance dans sa conduite. Ses projets d’améliorations rencontrèrent des obstacles qu’il n’avait pas prévus, et qu’il ne sut pas vaincre. Aussi succomba-t-il par ses tentatives de réforme, comme un autre aurait succombé par ses refus. Son règne, jusqu’aux états-généraux, ne fut qu’une longue entreprise d’améliorations sans résultat.

Le choix que fit Louis XVI, à son avénement au trône, de Maurepas pour premier ministre, contribua surtout à donner ce caractère d’irrésolution à son règne. Jeune, plein de l’idée de ses devoirs et de son insuffisance, il eut recours à l’expérience d’un vieillard de soixante-treize ans, qui avait été disgracié sous Louis XV, pour son opposition aux maîtresses. Mais, au lieu d’un sage, il ne rencontra qu’un courtisan, dont l’influence funeste s’étendit sur toute sa vie. Maurepas fut peu occupé du bien de la France et de la gloire de son maître ; il se montra uniquement attentif à sa faveur. Logé au château même de Versailles dans un appartement qui communiquait avec celui du roi et présidant le conseil, il rendit l’esprit de Louis XVI incertain, son caractère irrésolu ; il l’habitua aux demi-mesures, aux changements de système, aux inconséquences de pouvoir, et surtout au besoin de tout faire par autrui, et rien par lui-même. Maurepas avait le choix des ministres. Ceux-ci se maintenaient auprès de lui comme lui se maintenait auprès du roi. Dans la crainte d’exposer son crédit, il tint éloignés du ministère les hommes puissants par leurs alentours, et nomma des hommes nouveaux qui avaient besoin de lui pour se soutenir et pour opérer leurs réformes. Il appela tour à tour à la direction des affaires Turgot, Malesherbes et Necker, qui entreprirent des améliorations, chacun dans la partie du gouvernement qui avait été l’objet plus spécial de ses recherches.

Malesherbes, d’une famille de robe, avait hérité des vertus et non des préjugés parlementaires. Il joignait l’esprit le plus libre à la plus belle âme. Il voulut donner à chacun ses droits : aux accusés, la faculté d’être défendus ; aux protestants, la li-