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INTRODUCTION.

berté de conscience ; aux écrivains, la liberté de la presse ; à tous les Français, la sûreté de leur personne ; et il proposa l’abolition de la torture, le rétablissement de l’édit de Nantes, la suppression des lettres de cachet et celle de la censure. Turgot, esprit ferme et vaste, caractère d’une force et d’une fermeté peu communes, tenta de réaliser des projets plus étendus encore. Il s’adjoignit Malesherbes pour compléter, avec son concours, l’établissement d’un système d’administration qui devait ramener l’unité dans le gouvernement et l’égalité dans le pays. Ce vertueux citoyen s’était constamment occupé de l’amélioration du sort du peuple : il entreprit seul ce que la révolution opéra plus tard, la suppression de toutes les servitudes et de tous les priviléges. Il proposa d’affranchir les campagnes de la corvée, les provinces de leurs barrières, le commerce des douanes intérieures, l’industrie de ses entraves, et enfin de faire contribuer la noblesse et le clergé aux impôts dans la même proportion que le tiers-état. Ce grand ministre, de qui Malesherbes disait : Il a la tête de Bâcon et le cœur de L’Hospital, voulait, par le moyen des assemblées provinciales, accoutumer la nation à la vie publique et la préparer au retour des états-généraux. Il aurait fait la révolution par ordonnance, s’il avait pu se maintenir. Mais sous le régime des priviléges particuliers et de l’asservissement général, tous les projets de bien public étaient impraticables. Turgot mécontenta les courtisans par ses améliorations ; déplut au parlement par l’abolition des corvées, des jurandes, des douanes intérieures ; alarma le vieux ministre par l’ascendant que sa vertu lui donnait sur Louis XVI. Ce prince l’abandonna, tout en disant que Turgot et lui étaient les seuls qui voulussent le bien du peuple : tant est à plaindre la condition des rois !

Turgot fut remplacé, en 1776, au contrôle général des finances, par Clugny, ancien intendant de Saint-Domingue, qui, six mois après, fut lui-même remplacé par Necker. Necker était étranger, protestant, banquier, et plus grand administrateur qu’homme d’état : aussi conçut-il la réformation de la France sur un plan moins étendu que celui de Turgot,