Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

rité militaire s’adressait à Biron, à Labourdonnaie, et aux autres, qu’on laissa dans leurs anciennes positions avec les corps qu’ils avaient sous leurs ordres. Il ne restait plus que Dumouriez, contre lequel les Girondins gardaient un peu de rancune, et dont ils suspectaient d’ailleurs les vues ambitieuses, les goûts et le caractère d’aventurier, tout en rendant justice à ses talents supérieurs. Cependant, comme il était le seul général au niveau d’une aussi importante position, le conseil exécutif lui donna le commandement de l’armée de la Moselle.

Dumouriez s’était rendu en toute hâte du camp de Maulde à celui de Sedan. Il assembla un conseil de guerre, dans lequel l’avis général fut de se retirer vers Châlons ou Reims, et de se couvrir de la Marne. Loin de suivre ce conseil périlleux, qui aurait découragé les troupes, qui livrait la Lorraine, les Trois-Évêchés, une partie de la Champagne, et ouvrait la route de Paris, Dumouriez conçut un projet d’homme de génie. Il vit qu’il fallait, par une marche hardie, se porter sur la forêt de l’Argone, et qu’on y arrêterait infailliblement l’ennemi. Cette forêt avait quatre issues, celle du Chêne-Populeux sur la gauche, de la Croix-au-Bois et de Grandpré au centre, des Islettes sur la droite, qui ouvraient ou fermaient le passage de la France. Les Prussiens n’en étaient qu’à six lieues, et Dumouriez en avait douze à parcourir, et ses desseins d’occupation à cacher pour s’en emparer. Il le fit d’une manière très habile et très hardie. Le général Dillon, dirigé sur les Islettes, les occupa avec sept mille hommes ; il arriva lui-même à Grandpré, et y établit un camp de treize mille hommes ; la Croix-au-Bois et le Chêne-Populeux furent également pris et gardés par quelques troupes. C’est alors qu’il écrivit au ministre de la guerre Servan : Verdun est pris ; j’attends les Prussiens. Le camp de Grandpré et celui des Islettes sont les Thermopyles de la France ; mais je serai plus heureux que Léonidas.

Dans cette position, Dumouriez pouvait arrêter l’ennemi, en attendant les secours qu’on lui envoyait de toutes les parties de la France. Les bataillons de volontaires se rendaient dans