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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

enlever. Kellermann forma aussi son infanterie en colonnes, lui enjoignit de ne pas tirer, et d’attendre l’approche de l’ennemi pour le charger à la baïonnette. Il donna cet ordre au cri de vive la nation ! et ce cri, répété d’un bout de la ligne à l’autre, étonna les Prussiens plus encore que la contenance ferme de nos troupes. Le duc de Brunswick fit rétrograder ses bataillons, déjà un peu ébranlés ; la canonnade continua encore jusqu’au soir : les ennemis tentèrent une nouvelle attaque, et furent repoussés. La journée nous resta, et le succès presque insignifiant de Valmy produisit sur nos troupes et sur l’opinion en France l’effet de la plus complète victoire.

De cette époque data aussi le découragement de l’ennemi et sa retraite. Les Prussiens s’étaient engagés dans cette campagne, d’après les promesses des émigrés, comme dans une promenade militaire. Ils étaient sans magasins, sans vivres ; au milieu d’un pays ouvert, ils rencontraient une résistance chaque jour plus vive ; les pluies continuelles avaient détrempé les routes, les soldats étaient dans la boue jusqu’au genou, et depuis quatre jours ils n’avaient que du blé bouilli pour toute nourriture. Aussi les maladies produites par l’eau crayeuse, le dénuement et l’humidité, avaient exercé les plus grands ravages dans l’armée. Le duc de Brunswick conseilla la retraite, contre l’avis du roi de Prusse et des émigrés, qui voulaient hasarder une bataille et s’emparer de Châlons. Mais comme le sort de la monarchie prussienne tenait à son armée, et que la perte entière de l’armée devenait certaine par une défaite, le conseil du duc de Brunswick prévalut. On entama des négociations ; et les Prussiens, se relâchant de leurs premières exigences, ne demandaient plus que le rétablissement du roi sur le trône constitutionnel. Mais la convention venait de s’assembler ; la république avait été proclamée, et le conseil exécutif répondit : Que la république française ne pouvait entendre à aucune proposition avant que les troupes prussiennes eussent entièrement évacué le territoire français. Les Prussiens exécutèrent alors leur retraite, dès le 30 septembre au soir. Elle fut faiblement inquiétée par Kellermann,