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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

que Dumouriez mit à sa poursuite, tandis qu’il se rendit lui-même à Paris pour jouir de sa victoire et concerter l’invasion de la Belgique. Les troupes françaises rentrèrent dans Verdun et dans Longwy ; et l’ennemi, après avoir traversé les Ardennes et le pays du Luxembourg, repassa le Rhin à Coblentz vers la fin d’octobre. Cette campagne avait été marquée par des succès généraux. En Flandre, le duc de Saxe-Teschen avait été réduit à lever le siège de Lille, après sept jours d’un bombardement, contraire, par sa durée et par son inutile barbarie, à tous les usages de la guerre. Sur le Rhin, Custine s’était emparé de Trêves, de Spire et de Mayence ; aux Alpes, le général Montesquiou avait envahi la Savoie, et le général Anselme le comté de Nice. Nos armées, victorieuses sur tous les points, avaient partout pris l’offensive, et la révolution était sauvée.

Si l’on présentait le tableau d’un état qui sort d’une grande crise, et qu’on dît : Il y avait dans cet état un gouvernement absolu dont l’autorité a été restreinte ; deux classes privilégiées qui ont perdu leur suprématie ; un peuple immense, déjà affranchi par l’effet de la civilisation et des lumières, mais sans droits politiques, et qui a été obligé, à cause des refus essuyés, de les conquérir lui-même ; si l’on ajoutait : Le gouvernement, après s’être opposé à cette révolution, s’y est soumis, mais les classes privilégiées l’ont constamment combattue, voici ce que l’on pourrait conclure de ces données.

Le gouvernement aura des regrets, le peuple montrera de la défiance, et les classes privilégiées attaqueront l’ordre nouveau chacune à sa manière. La noblesse, ne le pouvant pas au dedans, où elle serait trop faible, émigrera, afin d’exciter les puissances étrangères, qui feront les préparatifs d’une attaque ; le clergé, qui perdrait au dehors ses moyens d’action, restera dans l’intérieur, où il cherchera des ennemis à la révolution. Le peuple, menacé au dehors, compromis au dedans, irrité contre l’émigration qui armera les étrangers, contre les étrangers qui attaqueront son indépendance, contre le clergé qui insurgera son pays, traitera en ennemis le clergé, l’émigration et les étrangers. Il demandera d’abord la surveillance,