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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

puis le bannissement des prêtres réfractaires ; la confiscation du revenu des émigrés ; enfin la guerre contre l’Europe coalisée, pour la prévenir de sa part. Les premiers auteurs de la révolution condamneront celles de ces mesures qui violeront la loi ; les continuateurs de la révolution y verront, au contraire, le salut de la patrie ; et le désaccord éclatera entre ceux qui préféreront la constitution à l’état et ceux qui préféreront l’état à la constitution. Le prince, porté par ses intérêts de roi, ses affections et sa conscience à rejeter une pareille politique, passera pour complice de la contre-révolution, parce qu’il paraîtra la protéger. Les révolutionnaires tenteront alors de gagner le roi en l’intimidant, et, ne pouvant pas y réussir, ils renverseront son pouvoir.

Telle fut l’histoire de l’assemblée législative. Les troubles intérieurs amenèrent le décret contre les prêtres ; les menaces extérieures, celui contre les émigrés ; le concert des puissances étrangères, la guerre contre l’Europe ; la première défaite de nos armées, celui du camp de vingt mille hommes. Le refus d’adhésion à la plupart de ces décrets fit suspecter Louis XVI par les Girondins ; les divisions de ces derniers et des constitutionnels, qui voulaient se montrer les uns législateurs comme en temps de paix, les autres ennemis comme en temps de guerre, désunirent les partisans de la révolution. Pour les Girondins, la question de la liberté était dans la victoire, la victoire dans ses décrets. Le 20 juin fut une tentative pour les faire accepter ; mais, ayant manqué son effet, ils crurent qu’il fallait renoncer à la révolution ou au trône, et ils firent le 10 août. Ainsi, sans l’émigration qui amena la guerre, sans le schisme qui amena les troubles, le roi se serait probablement fait à la constitution, et les révolutionnaires n’auraient pas pu songer à la république.