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INTRODUCTION.

mais qu’il exécuta avec plus de mesure, et avec l’aide du temps. Nommé ministre pour trouver de l’argent à la cour, il se servit des besoins de la cour pour procurer des libertés au peuple. Il rétablit les finances au moyen de l’ordre, et fit concourir d’une manière mesurée les provinces à leur administration. Ses idées étaient sages et justes : elles consistaient à mettre les recettes au niveau des dépenses, en réduisant ces dernières ; à se servir des impôts en temps ordinaire, et des emprunts lorsque des circonstances impérieuses exigeaient d’imposer l’avenir comme le présent ; à faire asseoir les impôts par les assemblées provinciales, et à créer, pour la facilité des emprunts, la reddition des comptes. Ce système était fondé sur la nature de l’emprunt, qui, ayant besoin de crédit, exige la publicité de l’administration ; et sur celle de l’impôt, qui, ayant besoin de consentement, exige le partage de l’administration. Toutes les fois que le gouvernement n’a pas assez, et qu’il demande, s’il s’adresse aux prêteurs, il leur doit son bilan ; s’il s’adresse aux contribuables, il leur doit un concours au pouvoir. Aussi les emprunts amenèrent les comptes-rendus, et les impôts les états-généraux : deux choses dont la première plaça l’autorité sous la juridiction de l’opinion, et la seconde sous celle du peuple. Mais Necker, quoiqu’il fût moins impatient de réformes que Turgot, quoiqu’il voulût racheter les abus que son devancier voulait détruire, ne fut pourtant pas plus heureux que lui. Ses économies avaient indisposé les courtisans ; les travaux des assemblées provinciales avaient encouru la désapprobation des parlements, qui voulaient garder pour eux le monopole de la résistance ; et le premier ministre ne lui pardonnait pas une apparence de crédit. Il fut réduit à quitter le pouvoir en 1781, peu de mois après la publication des fameux Comptes-rendus sur les finances, qui initièrent soudainement la France à la connaissance des matières d’état, et rendirent pour jamais impossible le retour du gouvernement absolu.

La mort de Maurepas suivit de près la retraite de Necker. La reine le remplaça auprès de Louis XVI, et elle hérita de toute son influence sur lui. Ce bon, mais faible prince,