Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
CONVENTION NATIONALE.

énormes dangers de leur position ne prévinrent pas leur lutte. Ils avaient à craindre plus que jamais les efforts de l’Europe. L’Autriche, la Prusse et quelques princes d’Allemagne ayant attaqué la France avant le 10 août, il y avait tout lieu de croire que les autres souverains se déclareraient contre elle après la chute de la monarchie, la détention de Louis XVI, et les massacres de septembre. Dans l’intérieur, le nombre des ennemis de la révolution était augmenté. Il fallait joindre aux partisans de l’ancien régime, de l’aristocratie et du clergé, les partisans de la royauté constitutionnelle, ceux pour qui le sort de Louis XVI était le sujet d’une vive sollicitude, et ceux qui ne croyaient pas la liberté possible sans règle et sous l’empire de la multitude. Au milieu de tant d’obstacles et d’adversaires, dans un moment où ce n’était pas trop de leur union, même pour combattre, la Gironde et la Montagne s’attaquèrent avec le plus inexorable acharnement. Il est vrai que ces deux partis étaient incompatibles, et que leurs chefs ne pouvaient pas se rapprocher : tant il y avait de motifs d’éloignement dans leur rivalité de domination et dans leurs desseins !

Les Girondins avaient été forcés, par les événements, d’être républicains. Ce qui leur convenait le mieux, c’était de rester constitutionnels. La droiture de leurs intentions, leur dégoût de la multitude, leur répugnance pour les moyens violents, et surtout la prudence qui conseillait de ne tenter que ce qui était possible, tout leur en faisait une loi ; mais il ne leur avait pas été libre de demeurer tels qu’ils s’étaient montrés d’abord. Ils avaient suivi la pente qui les entraînait à la république, et ils s’étaient habitués peu à peu à cette forme de gouvernement. Quoiqu’ils la voulussent aujourd’hui avec ardeur et de bonne foi, ils sentaient combien il serait difficile de l’établir et de la consolider. La chose leur paraissait grande et belle ; mais ils voyaient que les hommes manquaient à la chose. La multitude n’avait ni les lumières, ni les mœurs qui convenaient à ce mode d’administration publique. La révolution opérée par l’assemblée constituante était plus légitime encore à raison de ce qu’elle était possible, que de ce qu’elle était juste : elle avait sa cons-