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INTRODUCTION.

avait besoin d’être dirigé. Sa femme, jeune, belle, active, ambitieuse, prit beaucoup d’empire sur lui. Cependant on peut dire que la fille de Marie-Thérèse se souvint trop ou trop peu de sa mère ; elle mêla la frivolité à la domination, et ne disposa du pouvoir que pour en investir des hommes qui causèrent la ruine de l’état et la sienne propre. Maurepas, qui se défiait des ministres courtisans, avait toujours choisi des ministres populaires : il est vrai qu’il ne les avait pas soutenus ; mais si le bien ne s’était point opéré, le mal ne s’était pas accru. Après sa mort, les ministres courtisans succédèrent aux ministres populaires, et rendirent inévitable par leurs fautes la crise que les autres voulaient prévenir par leurs réformes. Cette différence dans les choix est très remarquable ; c’est elle qui amena, par le changement des hommes, le changement de système dans l’administration. La révolution date de cette époque ; l’abandon des réformes et le retour des désordres hâtèrent son approche et augmentèrent sa fougue.

Calonne fut appelé d’une intendance au contrôle général des finances. Ce ministère, le plus important de tous, devenait très difficile à remplir. L’on avait déjà donné deux successeurs à Necker sans pouvoir le remplacer, lorsqu’on s’adressa à Calonne, en 1783. Calonne était hardi, brillant, disert ; il avait le travail facile, l’esprit léger et fécond. Soit erreur, soit calcul, il adopta en administration un système entièrement opposé à celui de son prédécesseur. Necker avait conseillé l’économie, Calonne vanta la prodigalité ; Necker était tombé par les courtisans, Calonne voulut se maintenir par eux. Ses sophismes furent soutenus de ses largesses ; il convainquit la reine avec des fêtes, les grands seigneurs avec des pensions ; il donna beaucoup de mouvement aux finances, pour faire croire à la justesse de ses vues par le nombre et la facilité de ses opérations ; il séduisit jusqu’aux capitalistes, en se montrant d’abord exact dans ses paiements. Il continua les emprunts après la paix, et il épuisa le crédit que la sage conduite de Necker avait valu au gouvernement. Arrivé