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INTRODUCTION.

à ce point, privé d’une ressource dont il n’avait pas même su ménager l’emploi, pour prolonger la durée de son pouvoir il fallut recourir aux impôts. Mais à qui s’adresser ? Le peuple ne pouvait plus rien payer ; les privilégiés ne voulaient rien offrir. Cependant il fallait se décider, et Calonne, espérant davantage de ce qui était nouveau, convoqua une assemblée des notables, qui ouvrit ses séances à Versailles le 22 février 1787. Mais le recours à autrui devait être le terme d’un système fondé sur la prodigalité. Un ministre qui s’était élevé en donnant, ne pouvait pas se soutenir en demandant.

Les notables, choisis par le gouvernement dans les hautes classes, formaient une assemblée ministérielle qui n’avait ni existence propre, ni mandat. Aussi était-ce pour éviter les parlements ou les états-généraux, que Calonne s’était adressé à une assemblée plus subordonnée, et qu’il crut dès lors plus docile. Mais composée de privilégiés, elle était peu disposée aux sacrifices. Elle le devint encore moins, lorsqu’elle vit l’abîme qu’avait creusé une administration dévorante. Elle apprit avec effroi que les emprunts s’étaient élevés en peu d’années, à un milliard six cent quarante-six millions, et qu’il existait dans le revenu un déficit annuel de cent quarante millions. Cette révélation fut le signal de la chute de Calonne. Il succomba, et il fut remplacé par l’archevêque de Sens, Brienne, son antagoniste dans l’assemblée. Celui-ci crut que la majorité des notables lui était dévouée, parce qu’elle s’était unie à lui pour combattre Calonne. Mais les privilégiés n’étaient pas plus portés à faire des sacrifices à Brienne qu’à son prédécesseur ; ils avaient secondé ses attaques, qui étaient dans leur intérêt, et non son ambition, qui leur était indifférente.

L’archevêque de Sens, auquel on a reproché d’avoir manqué de plan, ne pouvait pas en avoir. Il n’était pas permis de continuer les profusions de Calonne ; il n’était plus temps de revenir aux réductions de Necker. L’économie, qui, dans l’époque antérieure, était un moyen de salut, n’en était plus un dans celle-ci. Il fallait ou des impôts, et le parlement s’y