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CONVENTION NATIONALE.

M. Desèze. Louis était présent : le plus grand silence régnait dans l’assemblée et dans les tribunes. M. Desèze fit valoir en faveur du royal accusé toutes les considérations de justice et d’innocence. Il invoqua l’inviolabilité qui lui avait été accordée ; il dit que, comme roi, il ne pouvait pas être jugé ; que, comme accusateurs, les représentants du peuple ne pouvaient pas être ses juges. En cela il n’avança rien qui n’eût été soutenu par une partie de l’assemblée. Mais il s’attacha surtout à justifier la conduite de Louis XVI, et à lui attribuer des intentions constamment pures et irréprochables. Il finit par ces dernières et solennelles paroles : « Entendez d’avance l’histoire qui dira à la Renommée : Louis, monté sur le trône à vingt ans, y porta l’exemple des mœurs, la justice et l’économie ; il n’y porta aucune faiblesse, aucune passion corruptrice : il fut l’ami constant du peuple. Le peuple voulut qu’un impôt désastreux fût détruit, Louis le détruisit ; le peuple voulut l’abolition de la servitude, Louis l’abolit ; le peuple sollicita des réformes, il les fit ; le peuple voulut changer ses lois, il y consentit ; le peuple voulut que des millions de Français recouvrassent leurs droits, il les leur rendit ; le peuple voulut la liberté, il la lui donna. On ne peut pas disputer à Louis la gloire d’avoir été au-devant du peuple par ses sacrifices ; et c’est lui qu’on vous a proposé !... Citoyens, je n’achève pas, je m’arrête devant l’histoire ; songez qu’elle jugera votre jugement, et que le sien sera celui des siècles. » Mais les passions étaient sourdes et incapables de prévoyance.

Les Girondins désiraient sauver Louis XVI, mais ils craignaient l’imputation de royalisme que leur adressaient déjà les Montagnards. Pendant tout le procès, leur conduite fut assez équivoque : ils n’osèrent se prononcer ni pour ni contre l’accusé, et leur modération les perdit sans le servir. Dans ce moment, sa cause, la cause non plus de son trône, mais de sa vie, était la leur. On allait résoudre, par un acte de justice ou par un coup d’état, si l’on reviendrait au régime légal, ou si l’on prolongerait le régime révolutionnaire. Le triomphe des Girondins ou des Montagnards se trouvait dans l’une ou l’au-