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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

nir leur propre proscription. Mais les Montagnards avaient, en deux reprises, détourné l’assemblée de cette discussion par deux coups d’état, le jugement de Louis XVI et l’élimination de la Gironde. Aujourd’hui, restés les maîtres, ils s’empressaient de rattacher à eux les républicains, en décrétant la constitution. Hérault de Séchelles fut le législateur de la Montagne comme Condorcet l’avait été de la Gironde. En quelques jours cette constitution nouvelle fut adoptée dans la convention, et soumise à l’acceptation des assemblées primaires. On conçoit facilement ce qu’elle devait être avec les idées qui régnaient alors sur le gouvernement démocratique. Les constituants passaient pour des aristocrates : la loi qu’ils avaient établie était considérée comme une infraction aux droits du peuple, parce qu’elle imposait des conditions pour l’exercice des droits politiques ; parce qu’elle ne consacrait pas l’égalité la plus absolue ; parce qu’elle faisait nommer les députés et les magistrats par des électeurs, et ces électeurs par le peuple ; parce qu’elle bornait en certains cas la souveraineté nationale, excluant une partie des citoyens actifs des grandes fonctions publiques, et les prolétaires des fonctions de citoyens actifs ; enfin parce qu’au lieu de fixer pour base unique des droits la population, elle la combinait dans toutes ses opérations avec la fortune. La loi constitutionnelle de 1793 établissait le pur régime de la multitude : non seulement elle reconnaissait le peuple comme la source de tous les pouvoirs, mais encore elle lui en déléguait l’exercice. Une souveraineté sans bornes ; une mobilité extrême dans les magistratures ; des élections immédiates auxquelles chacun concourait ; des assemblées primaires qui se réunissaient sans convocation, à une époque fixe, qui nommaient les représentants et contrôlaient leurs actes ; une assemblée nationale annuellement renouvelée, et qui n’était, à proprement parler, qu’un comité des assemblées primaires : telle était cette constitution. Comme elle faisait gouverner la multitude, comme elle désorganisait entièrement le pouvoir, elle était impraticable en tout temps ; mais elle l’était surtout dans un moment de guerre générale. Le parti montagnard, au lieu