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CONVENTION NATIONALE.

toire, la proscription, la dictature, lui paraissaient-elles nécessaires, il les demandait aussitôt. À la différence de Robespierre, il était un véritable homme d’action. Celui-ci, comprenant tout le parti qu’il pourrait tirer de lui, se l’était attaché de bonne heure dans la convention ; Saint-Just, de son côté, avait été porté vers Robespierre par sa réputation d’incorruptibilité, par sa vie austère et par la conformité de ses idées avec les siennes.

On conçoit combien devait être terrible leur association, à cause de la popularité, des passions envieuses et dominatrices de l’un, du caractère inflexible et des vues systématique de l’autre. Couthon s’était joint à eux ; il était personnellement dévoué à Robespierre. Quoiqu’il eût un visage doux et le corps à moitié paralysé, il était d’un fanatisme impitoyable. Ils formèrent, dans le comité même, un triumvirat qui voulut bientôt attirer à lui toute la puissance. Cette ambition aliéna d’eux les autres membres du comité, et finit par les perdre. En attendant, le triumvirat gouverna souverainement la convention et le comité même. Lorsqu’il fallait intimider l’assemblée, Saint-Just était chargé du rapport ; lorsqu’on voulait la surprendre, on employait Couthon. S’il y avait quelque murmure ou quelque hésitation, Robespierre se montrait, et d’une parole il faisait tout rentrer dans le silence et dans la terreur.

Pendant les deux premiers mois après la chute de la commune et du parti Danton, les décemvirs, qui n’étaient pas encore divisés, travaillèrent à affermir leur domination. Leurs commissaires contenaient les départements, et les armées de la république étaient victorieuses sur toutes les frontières. Les comités profitèrent de ce moment de sécurité et d’union, pour jeter le fondement des nouvelles mœurs et des nouvelles institutions. Il ne faut jamais oublier qu’en révolution, les hommes sont mus par deux penchants, l’amour de leurs idées et le goût du commandement. Les membres du comité, au commencement, s’entendirent pour leurs idées démocratiques ; à la fin, ils se combattirent pour le pouvoir.

Billaud-Varennes présenta la théorie du gouvernement po-