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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

pulaire et les moyens de subordonner toujours l’armée à la nation. Robespierre prononça un discours sur les idées morales et les solennités qui convenaient à une république ; il fit dédier des fêtes décadaires à l’Être Suprême, à la Vérité, à la Justice, à la Pudeur, à l’Amitié, à la Frugalité, à la bonne Foi, à la Gloire et à l’Immortalité, au Malheur, etc., enfin à toutes les vertus morales et républicaines. Il prépara de cette manière à l’établissement du nouveau culte de l’Être Suprême. Barrère fit un rapport sur l’extirpation de la mendicité et sur les secours que la république devait aux citoyens indigents. Tous ces rapports étaient transformés en décrets, selon le vœu des démocrates. Barrère, dont les discours habituels à la convention tendaient à lui déguiser sa servitude, était un des plus souples instruments du comité ; il ne tenait au régime de la terreur ni par fanatisme, ni par cruauté. Ses mœurs étaient douces, sa vie privée irréprochable, et il avait une très grande modération d’esprit. Mais il avait peur ; et, après avoir été royaliste constitutionnel avant le 10 août, républicain modéré avant le 31 mai, il était devenu le panégyriste et le co-partageant de la tyrannie décemvirale. Cela fait voir que, dans une révolution, il ne faut pas être acteur, si l’on manque de caractère. L’esprit seul n’est pas assez inflexible ; il est trop accommodant ; il trouve des raisons à tout, même à ce qui le dégoûte ou l’épouvante ; il ne sait jamais arrêter à propos, dans un temps où il faut toujours être prêt à la mort, et finir son rôle où finissent ses opinions.

Robespierre, qui passait pour le fondateur de cette démocratie morale, parvint alors au plus haut degré d’élévation et de puissance. Il devint l’objet de la flatterie générale dans son parti ; il fut le grand homme de la république. On ne parla que de sa vertu, de son génie, de son éloquence. Deux circonstances contribuèrent encore à accroître son importance. Le 3 prairial, un homme obscur, mais intrépide, nommé l’Admiral, voulut délivrer la France de Robespierre et de Collot-d’Herbois. Il attendit inutilement Robespierre toute la journée, et le soir il se décida à frapper Collot. Il tira sur lui deux