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CONVENTION NATIONALE.

coups de pistolet ; mais il le manqua. Le lendemain, une jeune fille, nommée Cécile Renaud, se présenta chez Robespierre et demanda avec instance à lui parler. Comme il était sorti, et qu’elle insistait cependant pour être admise, on l’arrêta. Elle avait un petit paquet, et l’on trouva sur elle deux couteaux. « Quel motif, lui demanda-t-on, vous a amenée chez Robespierre ? — Je voulais lui parler. — De quelle affaire ? — C’est selon que je l’aurais trouvé. — Connaissez-vous le citoyen Robespierre ? — Non, puisque je cherchais à le connaître, et j’ai été chez lui pour voir comment était fait un tyran. — Quel usage vous proposiez-vous de faire de vos deux couteaux ? — Aucun, n’ayant intention de faire mal à personne. — Et votre paquet ? — Il contenait du linge pour changer dans le lieu où l’on va me conduire. — Où ? — En prison, et de là à la guillotine. » La malheureuse jeune fille y fut conduite, et sa famille même fut enveloppée dans sa perte.

Robespierre reçut les marques de la plus enivrante adulation. Aux Jacobins et dans la convention, on attribua son salut au bon génie de la république et à l’Être Suprême, dont il avait fait décréter l’existence, le 18 floréal. La célébration du nouveau culte avait été fixée pour le 20 prairial dans toute l’étendue de la France. Le 16, Robespierre fut nommé président de la convention à l’unanimité, pour qu’il servit de pontife à la fête. Il parut, dans cette cérémonie, à la tête de l’assemblée, la figure rayonnante de confiance et de joie, ce qui ne lui était pas ordinaire. Il marchait à quinze pas en avant de ses collègues, seul, dans un costume brillant, tenant des fleurs et des épis à la main, et l’objet de l’attention générale. Chacun s’attendait, ce jour-là, à quelque chose : les ennemis de Robespierre à des tentatives d’usurpation, les partis persécutés à un régime désormais plus doux. Il trompa l’attente de tout le monde ; il harangua le peuple en grand-prêtre, et il finit son discours, dans lequel on cherchait l’espérance d’un meilleur avenir, par ces décourageantes paroles : Peuple, livrons-nous aujourd’hui aux transports d’une pure allégresse ! Demain nous combattrons encore les vices et les tyrans.