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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Deux Jours après, le 22 prairial, Couthon vint présenter à la convention une nouvelle loi. Le tribunal révolutionnaire avait frappé docilement tous ceux qui lui avaient été désignés : royalistes, constitutionnels, girondins, anarchistes, montagnards avaient également été envoyés à la mort. Mais il n’allait pas assez vite au gré des exterminateurs systématiques, qui voulaient, à tout prix et promptement, se débarrasser de leurs prisonniers. On observait encore quelques formes ; on les supprima. « Toute lenteur, dit Couthon, est un crime, toute formalité indulgente est un danger public ; le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être que le temps de les reconnaître. » Les accusés avaient des défenseurs ; ils n’en eurent plus. La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes ; elle n’en accorde point aux conspirateurs. On les jugeait individuellement ; on les jugea en masse. Il y avait quelque précision dans les délits, même révolutionnaires ; on déclara coupables tous les ennemis du peuple, et ennemis du peuple tous ceux qui cherchaient à anéantir la liberté, soit par la force, soit par la ruse. Les jurés avaient pour règle de leurs déterminations la loi ; ils n’eurent plus que leur conscience. Un seul tribunal, Fouquier-Thinville et quelques jurés ne pouvaient plus suffire au surcroît de victimes que présageait la nouvelle loi ; on distribua le tribunal en quatre sections, on augmenta les juges et les jurés, et l’on donna à l’accusateur public quatre substituts pour lui servir d’auxiliaires. Enfin, les députés du peuple ne pouvaient être traduits en jugement que par décret de la convention ; on rédigea la loi de manière à ce qu’ils pussent l’être par l’ordre seul des comités. La loi des suspects amena celle de prairial.

Dès que Couthon eut fait son rapport, il y eut dans l’assemblée un murmure d’étonnement et de crainte. « Si cette loi passe, s’écria Ruamps, il ne nous reste plus qu’à nous brûler la cervelle. Je demande l’ajournement. » L’ajournement fut appuyé ; mais Robespierre monta à la tribune. « Depuis longtemps, dit-il, la convention nationale discute et décrète