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CONVENTION NATIONALE.

sur-le-champ, parce que depuis longtemps elle n’est plus asservie à l’empire des factions. Je demande que, sans s’arrêter à la proposition de l’ajournement, la convention discute jusqu’à huit heures du soir, s’il le faut, le projet de loi qui lui est soumis. » Aussitôt la discussion s’ouvrit, et en trente minutes, après une seconde lecture, le décret fut adopté. Mais le lendemain, quelques membres, plus effrayés encore de la loi que du comité, revinrent sur la délibération de la veille. Les Montagnards, amis de Danton, qui craignaient pour eux la disposition nouvelle qui laissait les représentants à la merci des décemvirs, proposèrent à la convention de pourvoir à la sûreté de ses membres. Bourdon de l’Oise le premier prit la parole dans ce but ; il fut soutenu. Merlin, par un considérant adroit, rétablit l’ancienne sauvegarde des conventionnels, et l’assemblée adopta le considérant de Merlin. Peu à peu des objections furent faites au décret, le courage des Montagnards augmenta, la discussion devint très vive. Couthon attaqua les Montagnards. « Qu’ils sachent, lui répondit Bourdon de l’Oise, qu’ils sachent, les membres du comité, que s’ils sont patriotes, nous le sommes comme eux ! Qu’ils sachent que je ne répondrai pas avec aigreur aux reproches qu’ils m’ont adressés ! J’estime Couthon, j’estime le comité ; mais j’estime aussi l’inébranlable Montagne, qui a sauvé la liberté ! » Robespierre, surpris de cette résistance inaccoutumée, s’élança alors à la tribune. « La convention, dit-il, la Montagne, le comité, c’est la même chose ! tout représentant du peuple qui aime sincèrement la liberté, tout représentant du peuple qui est déterminé à mourir pour la patrie, est de la Montagne ! Ce serait outrager la patrie, ce serait assassiner le peuple que de souffrir que quelques intrigants, plus méprisables que les autres parce qu’ils sont plus hypocrites, s’efforçassent d’entraîner une portion de cette Montagne et de s’y faire les chefs d’un parti ! — Jamais, dit Bourdon, il n’est entré dans mon intention de me faire chef de parti. — Ce serait continua Robespierre, l’excès de l’opprobre que quelques-uns de nos collègues égarés par la calom-