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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

nie sur nos intentions et sur le but de nos travaux... — Je demande qu’on prouve ce qu’on avance, reprit Bourdon ; on vient de dire assez clairement que je suis un scélérat. — Je n’ai pas nommé Bourdon. Malheur à qui se nomme lui-même ! Oui, la Montagne est pure ; elle est sublime, et les intrigants ne sont pas de la Montagne ! — Nommez-les. — Je les nommerai quand il le faudra. » Les menaces, le ton impérieux de Robespierre, l’appui des autres décemvirs, la crainte qui gagnait de proche en proche, firent tout rentrer dans le silence. Le considérant de Merlin fut révoqué comme injurieux au comité de salut public, et la loi passa en entier. Ce fut depuis lors que les fournées eurent lieu, et qu’on envoyait chaque jour jusqu’à cinquante condamnés à la mort. Cette terreur, dans la terreur, dura environ deux mois.

Mais la fin de ce régime approchait. Les séances de prairial furent pour les membres des comités le dernier terme de l’union. Depuis quelque temps, de sourdes dissensions existaient entre eux. Ils avaient marché d’accord tant qu’ils avaient eu à combattre ensemble ; mais il n’en fut plus ainsi, au moment où ils se trouvèrent seuls dans l’arène avec l’habitude de la lutte et le besoin de la domination. D’ailleurs, leurs opinions n’étaient pas entièrement les mêmes : le parti démocratique s’était divisé par la chute de l’ancienne commune ; Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois et les principaux membres du comité de sûreté générale, Vadier, Amar, Vouland, tenaient à cette faction renversée et préféraient le culte de la Raison à celui de l’Être Suprême. Ils se montraient aussi jaloux de la renommée et inquiets de la puissance de Robespierre, qui à son tour était irrité de leur secrète désapprobation et des obstacles qu’ils opposaient à sa volonté. Ce dernier conçut à cette époque le dessein d’abattre les membres les plus entreprenants de la Montagne, Tallien, Bourdon, Legendre, Fréron, Rovère, etc., et ses rivaux du comité.

Robespierre disposait d’une force prodigieuse ; le bas peuple, qui voyait la révolution dans sa personne, le soutenait comme le représentant de ses doctrines et de ses intérêts ; la