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CONVENTION NATIONALE.

habitants de Nantes, sincèrement attachés à la révolution, et qui avaient défendu leur ville avec courage lors de l’attaque des Vendéens. Carrier les avait transférés à Paris comme fédéralistes. On n’avait pas osé les traduire devant le tribunal révolutionnaire avant le 9 thermidor ; on les y conduisit à cette époque, pour dévoiler, au moyen de leur procédure, tous les crimes de Carrier. Les Nantais furent jugés avec une solennité affectée : leur procès dura près d’un mois ; l’opinion eut le temps de se prononcer avec éclat, et, lorsqu’ils furent acquittés, on demanda de toutes parts justice du comité révolutionnaire de Nantes et du proconsul Carrier. Legendre renouvela l’accusation de Lecointre contre Billaud, Barrère, Collot et Vadier, qui furent généreusement défendus par Carnot, Prieur et Cambon, leurs anciens collègues, qui demandèrent d’être associés à leur sort. L’accusation de Lecointre n’eut pas de suite ; et l’on ne mit encore en jugement que les membres du comité révolutionnaire de Nantes : mais on put remarquer les progrès du parti thermidorien. Cette fois, les membres du comité furent obligés de recourir à la justification ; et l’on passa simplement à l’ordre du jour sur la dénonciation de Legendre, sans la déclarer calomnieuse, comme celle de Lecointre.

Cependant les démocrates révolutionnaires étaient encore très puissants dans Paris : s’ils avaient perdu la commune, le tribunal, la convention, les comités, il leur restait encore les Jacobins et les faubourgs. C’était dans ces sociétés populaires que leur parti se concentrait, surtout pour se défendre. Carrier s’y rendait assidûment, et il invoquait leur assistance ; Billaud-Varennes et Collot-d’Herbois s’y rendaient également ; mais, étant un peu moins menacés, ils se montraient plus circonspects. Aussi leur reprocha-t-on leur silence. Le lion dort, répondit Billaud-Varennes, mais son réveil sera terrible. Ce club avait été épuré après le 10 thermidor, et il avait félicité, au nom des sociétés régénérées, la convention sur la chute de Robespierre et la fin de la tyrannie. À cette époque, comme on poursuivait ses chefs et qu’on emprisonnait beaucoup de Jacobins dans les départements, il vint, au nom de toutes les