Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

la minorité dictant des lois. La session actuelle se partage en trois époques : jusqu’au 31 mai, oppression de la convention par le peuple ; jusqu’au 9 thermidor, oppression du peuple par la convention, tyrannisée elle-même ; enfin, depuis le 9 thermidor, la justice règne, parce que la convention a repris tous ses droits. » Il demanda le rappel des membres proscrits, comme gage de réunion dans l’assemblée et de salut pour la république. Merlin de Douai proposa aussitôt leur rentrée au nom du comité de salut public ; elle fut accordée, et l’on vit reprendre leurs sièges, après dix-huit mois de proscription, à vingt-deux conventionnels, parmi lesquels se trouvaient Isnard, Louvet, Lanjuinais, Kervelegan, Henri La Rivière, Larévellière-Lépeaux, Lesage, restes de la brillante et infortunée Gironde ; ils s’allièrent avec le parti modéré, qui se composa de plus en plus des débris de partis divers. D’anciens ennemis, oubliant leurs ressentiments et leur rivalité de domination, parce qu’ils avaient les mêmes intérêts et le même but, s’unirent ensemble. C’était un commencement de pacification entre ceux qui voulaient la république contre les royalistes, et une constitution praticable contre les révolutionnaires. À cette époque, toutes les mesures à l’égard des fédéralistes furent révoquées, et les Girondins tinrent la tête de la contre-révolution républicaine.

Cependant la convention fut entraînée beaucoup trop loin par les réacteurs ; elle tomba dans l’excès de la justice en voulant tout réparer et tout punir. Il importait, après l’abolition du régime décemviral, de proclamer l’oubli du passé, et de fermer le gouffre de la révolution, après y avoir jeté quelques victimes expiatoires. La sécurité seule amène la pacification, et la pacification seule permet la liberté. En suivant de nouveau une marche passionnée, on ne fit qu’opérer un déplacement de tyrannie, de violence et de calamités. Jusque-là on avait sacrifié la bourgeoisie à la multitude, les marchands aux consommateurs ; ce fut alors tout le contraire. L’agiotage remplaça le maximum, et les dénonciateurs de la classe moyenne renchérirent sur les dénonciateurs populaires. Tous ceux qui