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CONVENTION NATIONALE.

avaient participé au gouvernement dictatorial furent poursuivis avec le dernier acharnement. Les sections, qui étaient le siège de la bourgeoisie, demandaient le désarmement et la punition des membres de leurs comités révolutionnaires, composés de sans-culottes. Il y eut un cri général de haro contre les terroristes, dont on étendit chaque jour la classe. Les départements dénonçaient tous les anciens proconsuls, et l’on désespéra ainsi un parti nombreux, qui n’était plus à craindre puisqu’il n’avait plus de pouvoir, en le menaçant de vastes et d’éternelles représailles.

La crainte de la proscription et plusieurs autres causes le disposèrent à la révolte. La disette était affreuse. Le travail et ses produits étaient diminués depuis l’époque révolutionnaire, pendant laquelle les classes riches avaient été emprisonnées, et les classes pauvres avaient administré ; la suppression du maximum avait occasionné une crise violente, dont profitaient les marchands et les fermiers pour exercer un agiotage et un monopole désastreux. Pour surcroît de difficulté, les assignats étaient en discrédit, et leur valeur tombait chaque jour : on en avait émis pour plus de huit milliards. Le peu de sûreté de leur gage, à cause des confiscations révolutionnaires qui avaient déprécié les biens nationaux ; le défaut de confiance des bourgeois, des marchands, etc., dans la durée du gouvernement républicain qu’ils regardaient comme provisoire ; tout cela avait fait descendre les assignats à une valeur réelle quinze fois au-dessous de leur valeur nominale. On les recevait difficilement, et le numéraire était d’autant plus soigneusement enfoui qu’il était plus recherché et le papier-monnaie plus déchu. Le peuple, manquant de vivres, n’ayant pas même, avec des assignats, le moyen d’en acheter, se trouvait dans la détresse ; il l’attribuait aux marchands, aux fermiers, aux propriétaires, au gouvernement, et il ne se souvenait pas sans regret que naguère il avait du pain et le pouvoir sous le comité de salut public. La convention avait bien nommé un comité de subsistances pour approvisionner Paris ; mais ce comité faisait entrer au jour le jour, avec beaucoup de peine et à grands