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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

frais, les quinze cents sacs de farine nécessaires pour nourrir cette immense ville ; et le peuple, qui attendait en troupes, pendant des demi-journées, à la porte des boulangers, la livre de mauvais pain qui était distribuée à chaque habitant, faisait entendre des plaintes et de violents murmures. Il appelait Boissy-d’Anglas, président du comité des subsistances, Boissy-Famine. Tel était l’état d’une multitude exaspérée et fanatique, au moment où l’on jugea ses anciens chefs.

Le 12 ventôse, peu de temps après la rentrée des derniers Girondins, l’assemblée avait décrété d’arrestation Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois, Barrère et Vadier. Leur procès devant la convention devait commencer le 3 germinal. Le 1er (20 mars 1795), qui était jour de décade et d’assemblée de sections, leurs partisans préparèrent une émeute pour les empêcher d’être mis en cause : les sections extérieures des deux faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau leur étaient dévouées. C’est de là que, moitié pétitionnaires, moitié factieux, ils partirent pour se rendre à la convention, et lui demander du pain, la constitution de 93 et la liberté des patriotes détenus. Quelques jeunes gens furent rencontrés par eux, et ils les jetèrent dans les bassins des Tuileries. Mais la nouvelle se répandit bientôt que la convention était exposée, que les Jacobins voulaient délivrer leurs chefs ; et la troupe dorée, suivie d’environ cinq mille citoyens des sections intérieures, vint disperser les hommes des faubourgs, et servir de garde à l’assemblée. Celle-ci, instruite par ce nouveau danger, rétablit, sur la proposition de Sièyes, l’ancienne loi martiale, sous le nom de loi de grande police.

L’émeute en faveur des prévenus n’ayant pas réussi, ils furent traduits, le 3 germinal, devant la convention. Vadier seul était contumax. Leur conduite fut examinée avec la plus grande solennité : on leur reprocha d’avoir tyrannisé le peuple et opprimé la convention. Quoique les preuves ne manquassent pas à l’accusation, les prévenus se défendirent avec beaucoup d’adresse. Ils rejetèrent sur Robespierre l’oppression de l’assemblée et la leur propre ; ils s’excusèrent des mesures prises par