Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
318
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

lève le reste de ses forces et de sa confiance. Après tant de questions résolues contre les démocrates, il en restait une de la dernière importance, celle de la constitution. C’était de là que dépendait l’ascendant de la multitude, ou de la bourgeoisie. Les défenseurs du gouvernement révolutionnaire se replièrent alors sur la constitution démocratique de 93, qui leur offrait le moyen de reprendre l’autorité qu’ils avaient perdue. Leurs adversaires, de leur côté, tentèrent de la remplacer par une constitution qui assurât leurs avantages, en concentrant un peu plus le gouvernement et en le plaçant dans la classe moyenne. De part et d’autre, pendant un mois, les deux partis se disposèrent à combattre sur ce dernier champ de bataille. La constitution de 1793, ayant été sanctionnée par le peuple, avait un grand préjugé en sa faveur. Aussi l’attaqua-t-on avec des précautions infinies. On promit d’abord de l’exécuter sans restriction ; on nomma ensuite une commission de onze membres, afin de préparer les lois organiques, qui devaient la rendre praticable ; plus tard, on hasarda des objections contre elle, parce qu’elle dispersait les pouvoirs et ne reconnaissait qu’une seule assemblée dépendante du peuple, jusque dans ses mesures de législation. Enfin une députation sectionnaire alla jusqu’à appeler la constitution de 93, une constitution décemvirale dictée par la terreur. Tous ses partisans, indignés et remplis de craintes, organisèrent un soulèvement pour la maintenir. Ce fut un nouveau 31 mai, aussi terrible que l’autre, mais qui n’ayant pas l’appui d’une commune toute-puissante, qui n’étant pas dirigé par un commandant général, qui ne rencontrant pas une convention épouvantée et des sections soumises, n’eut point le même résultat.

Les conjurés, instruits par le mauvais succès des émeutes du 1er et du 12 germinal, n’oublièrent rien pour suppléer à leur défaut d’organisation et de but. Le 1er prairial (20 mai), au nom du peuple insurgé pour obtenir du pain et reprendre ses droits, ils décrétèrent l’abolition du gouvernement révolutionnaire, l’établissement de la constitution démocratique de 93 ; la destitution des membres actuels du gouverne-