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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

surveiller les partis, dont il pouvait mieux qu’un autre connaître les intrigues, il fut chargé de la police. Cet emploi lui convenait d’autant plus, qu’il était souple, insinuant, sans attachement pour aucune secte politique, et qu’il avait des liaisons de révolutionnaire par sa conduite, tandis que sa naissance l’abouchait avec les aristocrates. Barras se chargea aussi de la représentation du directoire, et il établit au Luxembourg une sorte de régence républicaine. Le pur, le modéré Larévellière, que sa douceur, mêlée de courage, que ses sincères attachements pour la république et pour les mesures légales, avaient fait porter au directoire d’un élan commun de l’assemblée et de l’opinion, eut dans ses attributions la partie morale, l’éducation, les sciences, les arts, les manufactures, etc. Letourneur, ancien officier d’artillerie, membre du comité de salut public dans les derniers temps de la convention, avait été nommé pour diriger la guerre. Mais dès que Carnot eut été choisi, au refus de Sièyes, il prit la conduite des opérations militaires, et laissa à son collègue Letourneur la marine et les colonies. Sa grande capacité et son caractère résolu lui donnèrent la haute main dans cette partie. Letourneur s’attacha à lui, comme Larévellière à Rewbell, et Barras fut entre deux. Dans ce moment, les directeurs s’occupèrent avec le plus grand accord de la réparation et du bien-être de l’état.

Les directeurs suivirent franchement la route que leur traçait la constitution. Après avoir assis le pouvoir au centre de la république, ils l’organisèrent dans les départements, et établirent, autant qu’ils purent, une correspondance de but entre les administrations particulières et la leur. Placés entre les deux partis exclusifs et mécontents de prairial et de vendémiaire, ils s’appliquèrent, par une conduite décidée, à les assujettir à un ordre de choses qui tenait le milieu entre leurs prétentions extrêmes. Ils cherchèrent à rappeler l’enthousiasme et l’ordre des premières années de la révolution. « Vous, écrivirent-ils à leurs agents, que nous appelons pour partager nos travaux ; vous, qui devez avec nous faire marcher cette constitution républicaine, votre première vertu, votre premier sentiment