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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Le 21 floréal (mai), veille du jour où l’attaque devait se faire, les conjurés furent saisis dans leur conciliabule. On trouva chez Babœuf le plan et toutes les pièces du complot. Le directoire en avertit les conseils par un message, et il l’annonça au peuple dans une proclamation. Cette tentative bizarre, qui avait une teinte si prononcée de fanatisme, et qui ne devait être que la répétition du soulèvement de prairial, sans ses moyens et ses espérances de succès, inspira un effroi profond. Les imaginations étaient encore épouvantées de la domination récente des Jacobins. Babœuf, en conspirateur hardi, proposa la paix au directoire, tout prisonnier qu’il était.

« Regarderiez-vous au-dessous de vous, citoyens directeurs, leur écrivit-il, de traiter avec moi de puissance à puissance ? Vous avez vu de quelle vaste confiance je suis le centre ; vous avez vu que mon parti peut bien balancer le vôtre ; vous avez vu quelles immenses ramifications y tiennent. Je suis convaincu que cet aperçu vous a fait trembler. » Il finissait en leur disant : « Je ne vois qu’un parti sage à prendre : déclarez qu’il n’y a point eu de conspiration sérieuse. Cinq hommes, en se montrant grands et généreux, peuvent aujourd’hui sauver la patrie. Je vous réponds encore que les patriotes vous couvriront de leurs corps ; les patriotes ne vous haïssent pas ; ils n’ont haï que vos actes impopulaires. Je vous donnerai aussi, pour mon compte, une garantie aussi étendue que l’est ma franchise perpétuelle. » Les directeurs, au lieu de cet accommodement, rendirent publique la lettre de Babœuf, et envoyèrent les conjurés devant la haute-cour de Vendôme.

Leurs partisans firent encore une tentative. Dans la nuit du 15 fructidor (août), vers onze heures du soir, ils marchèrent au nombre de six ou sept cents, armés de sabres et de pistolets, contre le directoire, qu’ils trouvèrent défendu par sa garde. Ils se rendirent alors au camp de Grenelle, qu’ils espéraient gagner à cause des intelligences qu’ils y avaient ménagées. Le camp était endormi lorsque les conjurés arrivèrent. Au cri du qui vive des vedettes, ils répondirent : Vive la république !