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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

vive la constitution de 93 ! Les sentinelles donnèrent l’alarme dans le camp. Les conjurés, comptant sur l’assistance d’un bataillon du Gard, qui avait été déplacé, marchèrent vers la tente du commandant Malo, qui fit sonner le boute-selle et monter ses dragons à demi nus sur leurs chevaux. Les conjurés, surpris de cette réception, se mirent faiblement en défense : ils furent sabrés par les dragons, et mis en fuite après avoir laissé nombre de morts et de prisonniers sur le champ de bataille. Cette mauvaise expédition fut à peu près la dernière du parti : à chaque défaite, il perdait sa force, ses chefs, et il acquérait la conviction secrète que son règne était passé. L’entreprise de Grenelle fut très meurtrière pour lui : outre ses pertes dans la mêlée, il en fit de considérables devant les commissions militaires, qui furent pour lui ce que les tribunaux révolutionnaires avaient été pour ses ennemis. La commission du camp de Grenelle condamna, en cinq fois, trente-un des conjurés à la mort, trente à la déportation, vingt-cinq à la détention.

Quelque temps après, la haute-cour de Vendôme jugea Babœuf et ses complices, au nombre desquels étaient Amar, Vadier, Darthé, ancien secrétaire de Joseph Lebon. Ils ne se démentirent ni les uns ni les autres ; ils parlèrent en hommes qui ne craignaient ni d’avouer leur but, ni de mourir pour leur cause. Au commencement et à la fin de chaque audience, ils entonnaient la Marseillaise. Cet ancien chant de victoire, leur contenance assurée, frappaient les esprits d’étonnement, et semblaient les rendre encore redoutables. Leurs femmes les avaient suivis au tribunal. Babœuf, en terminant sa défense, se tourna vers elles et dit qu’elles les suivraient jusque sur le Calvaire, parce que la cause de leur supplice ne saurait les faire rougir. La haute-cour condamna à mort Babœuf et Darthé ; en entendant leur sentence, ils se frappèrent l’un et l’autre d’un coup de poignard. Babœuf fut le dernier chef du parti de l’ancienne commune et du comité de salut public, qui s’étaient divisés avant thermidor et qui se rallièrent ensuite. Ce parti allait en