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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

s’écoulant chaque jour davantage. De cette époque datent surtout sa dispersion et son isolement. Sous la réaction, il avait formé une masse encore compacte ; sous Babœuf, il s’était maintenu en association redoutable. Depuis lors il n’exista plus que des démocrates ; mais le parti fut désorganisé.

Dans l’intervalle de l’entreprise de Grenelle à la condamnation de Babœuf, les royalistes firent aussi leur conspiration. Les projets des démocrates produisirent un mouvement d’opinion contraire à celui qu’on avait vu après vendémiaire, et les contre-révolutionnaires furent enhardis à leur tour. Les chefs secrets de ce parti espérèrent trouver des auxiliaires dans les troupes du camp de Grenelle, qui avaient repoussé la faction Babœuf. Impatient et maladroit, ne pouvant pas se servir de la masse sectionnaire comme en vendémiaire, ou de la masse des conseils comme plus tard au 18 fructidor, ce parti employa trois hommes sans influence et sans nom : l’abbé Brottier, l’ancien conseiller au parlement La Villeheurnois, et une espèce d’aventurier, nommé Dunan. Ils s’adressèrent tout simplement au chef d’escadron Malo, pour avoir le camp de Grenelle, et ramener par son moyen l’ancien régime. Malo les livra au directoire, qui les traduisit devant les tribunaux civils, n’ayant pas pu, ainsi qu’il le désirait, les faire juger par des commissions militaires. Ils furent traités avec beaucoup de ménagement par des juges de leur parti, élus sous l’influence de vendémiaire, et la peine prononcée contre eux fut une courte détention. À cette époque, la lutte s’engageait entre toutes les autorités nommées par les sections et le directoire appuyée sur l’armée. Chacun prenant sa force et ses juges là où était son parti, il en résulta que le pouvoir électoral se mettant aux ordres de la contre-révolution, le directoire fut réduit à introduire l’armée dans l’état, ce qui produisit par la suite de graves inconvénients.

Le directoire, vainqueur des deux partis dissidents, l’était aussi de l’Europe. La nouvelle campagne s’était ouverte sous les plus heureux auspices. Bonaparte, en arrivant à Nice, signala sa prise de commandement par la plus hardie des