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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

cider, et il était à craindre qu’on ne pût pas maintenir une pareille détermination.

Le premier arrêté de l’assemblée nationale fut un acte de souveraineté. Elle plaça d’abord sous sa dépendance les privilégiés, en proclamant l’indivisibilité du pouvoir législatif. Il lui restait à contenir la cour par les impôts. Elle déclara leur illégalité, vota néanmoins leur perception provisoire tant qu’elle serait réunie, et leur cessation si elle était dissoute ; elle rassura les capitalistes en consolidant la dette publique, et pourvut au besoin du peuple en nommant un comité de subsistances.

Cette fermeté et cette prévoyance excitèrent l’enthousiasme de la nation. Mais ceux qui dirigeaient la cour sentirent que les divisions fomentées entre les ordres avaient manqué leur but ; qu’il fallait pour l’atteindre recourir à un autre moyen. L’autorité royale leur parut seule capable de prescrire le maintien des ordres que l’opposition de la noblesse ne pouvait plus conserver. On profita d’un voyage à Marly pour soustraire Louis XVI aux avis prudents et pacifiques de Necker, et pour lui faire adopter des projets hostiles. Ce prince, également accessible aux bons et aux mauvais conseils, entouré d’une cour livrée à l’esprit de parti, supplié dans l’intérêt de sa couronne, au nom de la religion, d’arrêter la marche factieuse des communes, se laissa gagner, et promit tout. On décida qu’il se rendrait avec appareil à l’assemblée, casserait ses arrêtés, ordonnerait la séparation des ordres comme constitutive de la monarchie, et fixerait lui-même toutes les réformes que les états-généraux devaient opérer. Dès lors le conseil secret occupa le gouvernement, et n’agit plus sourdement, mais d’une manière ouverte. Le garde-des-sceaux Barentin, le comte d’Artois, le prince de Condé, le prince de Conti, conduisirent seuls les projets qu’ils avaient concertés. Necker perdit toute influence : il avait proposé au roi un plan conciliateur, qui aurait pu réussir avant que la lutte fût parvenue à ce degré d’animosité, mais qui ne le pouvait plus aujourd’hui. Il avait conseillé une nouvelle séance royale, dans laquelle on aurait accordé le vote par tête en matière d’impôts,