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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Le 24 décembre 1799 (nivôse an VIII), quarante-cinq jours après le 18 brumaire, fut publiée la constitution de l’an VIII ; elle était composée des débris de celle de Sièyes, devenue une constitution de servitude. Le gouvernement fut mis dans les mains du premier consul, qui eut pour seconds deux consuls à voix consultative. Le sénat, primitivement choisi par les consuls, choisit lui-même dans la liste des candidats nationaux les membres du tribunal et du corps législatif. Le gouvernement eut seul l’initiative des lois. Ainsi plus de corps d’électeurs qui nomment les candidats de diverses listes, les tribuns et les législateurs ; plus de tribuns indépendants qui plaident de mouvement la cause du peuple devant l’assemblée législative ; plus d’assemblée législative sortie immédiatement du sein de la nation, et n’étant comptable qu’à elle ; enfin plus de nation politique. Au lieu de tout cela, il existe un consul tout-puissant, disposant des armées et du pouvoir, général et dictateur ; un conseil d’état destiné à se mettre à l’avant-garde de l’usurpation ; enfin un sénat de quatre-vingts membres, dont l’unique fonction est d’annuler le peuple, de choisir des tribuns sans puissance et des législateurs muets. La vie passe de la nation au gouvernement. La constitution de Sièyes servit de prétexte à un mauvais ordre de choses. Il faut remarquer que jusqu’en l’an VIII toutes les constitutions avaient été originaires du Contrat social, et que depuis elles furent toutes, jusqu’en 1814, originaires de la Constitution de Sièyes.

Le nouveau gouvernement s’installa de suite. Bonaparte fut premier consul, et il s’adjoignit, pour second et pour troisième consuls Cambacérès, légiste et ancien membre de la Plaine de la convention, et Lebrun, ancien coopérateur du chancelier Maupeou. Il compta, par leur moyen, agir sur les révolutionnaires et sur les royalistes modérés. C’est aussi dans ce but que l’ex-grand seigneur Talleyrand et l’ex-montagnard Fouché furent placés, l’un au ministère des relations extérieures, et l’autre à celui de la police. Sièyes répugnait beaucoup à se servir de Fouché ; mais Bonaparte le voulut. Nous formons, dit-il, une nouvelle époque ; il ne faut nous sou-