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CONSULAT.

venir, dans le passé, que du bien et oublier le mal. Peu lui importait la bannière qu’on avait suivie jusque-là, pourvu qu’on se rangeât sous la sienne et qu’on y appelât surtout d’anciens compagnons de royalisme ou de révolution.

Les deux consuls nouveaux et les consuls sortants nommèrent, sans attendre les listes d’éligibilité, soixante sénateurs ; les sénateurs nommèrent cent tribuns et trois cents législateurs ; et les auteurs du 18 brumaire se distribuèrent les fonctions de l’état, comme le butin de leur victoire. Cependant il est juste de dire que le parti modéré libéral prévalut dans ce partage, et que, tant qu’il conserva l’influence, Bonaparte gouverna d’une manière douce, avantageuse et républicaine. La constitution de l’an VIII, soumise à l’acceptation du peuple, fut approuvée par trois millions onze mille sept citoyens. Celle de 1793 avait obtenu un million huit cent un mille neuf cent dix-huit suffrages, et celle de l’an III, un million cinquante sept mille trois cent quatre-vingt-dix. La loi nouvelle satisfaisait la masse modérée, qui tenait moins à ses garanties qu’à son repos, tandis que le code de 93 n’avait trouvé des partisans que dans la classe inférieure, et que celui de l’an III avait été également repoussé par les démocrates et les royalistes. La constitution de 1791 avait seule obtenu une approbation générale, et, sans avoir été soumise à une acceptation individuelle, elle avait été jurée par la France entière.

Le premier consul, pour satisfaire au vœu de la république, fit à l’Angleterre des offres de paix qu’elle refusa. Il désirait avec raison prendre les dehors de la modération, et donner à son gouvernement, avant de traiter, le lustre de nouvelles victoires. La continuation de la guerre fut donc décidée, et les consuls firent une proclamation remarquable, en ce qu’ils s’adressèrent à des sentiments nouveaux dans la nation. Jusque-là, on l’avait appelée aux armes pour la défense de la liberté ; on commença à l’exciter alors au nom de l’honneur. « Français, vous désirez la paix. Votre gouvernement la désire avec plus d’ardeur encore : ses premiers vœux, ses démarches constantes ont été pour elle. Le ministère anglais la