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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

constitués. Il était étranger à la révolution... Sa sagesse était de marcher à la journée, sans s’écarter d’un point fixe, étoile polaire sur laquelle Napoléon va prendre sa direction pour conduire la révolution au port où il veut la faire aborder. »

Il fit marcher de front, au commencement de 1802, trois grands projets qui tendaient au même but. Il voulut organiser les cultes et constituer le clergé, qui n’avait encore qu’une existence religieuse ; créer, par la Légion-d’Honneur, un ordre militaire permanent dans l’armée ; et rendre son propre pouvoir d’abord viager, ensuite héréditaire. Bonaparte s’était installé aux Tuileries, où il reprenait peu à peu les usages et le cérémonial de la vieille monarchie. Il songeait déjà à mettre des corps intermédiaires entre le peuple et lui. Depuis quelque temps, il était en négociation avec le pape Pie VII pour les affaires du culte. Le fameux concordat, qui créait neuf archevêchés, quarante-un évêchés, avec érection de chapitres, qui établissait le clergé dans l’état et le remettait sous la monarchie extérieure du pape, fut signé à Paris, le 15 juillet 1801, ratifié à Rome, le 15 août 1801.

Bonaparte, qui avait détruit la liberté de la presse, créé des tribunaux exceptionnels, et qui s’éloignait de plus en plus des principes de la révolution, comprit qu’il fallait, avant d’aller plus loin, rompre tout à fait avec le parti libéral du 18 brumaire. En ventôse an X (mars 1802), les tribuns les plus énergiques furent éliminés par une simple opération du sénat. Le tribunat fut réduit à quatre-vingts membres, et le corps législatif subit une épuration semblable. Environ un mois après, le 15 germinal (6 avril 1802), Bonaparte, ne redoutant plus d’opposition, soumit le concordat à l’acceptation de ces assemblées, dont il avait ainsi préparé l’obéissance. Elles l’adoptèrent à une très forte majorité. Le dimanche et les quatre grandes fêtes religieuses furent rétablis, et dès ce moment le gouvernement cessa de suivre le système décadaire. Ce fut le premier abandon du calendrier républicain. Bonaparte espéra s’attacher le parti sacerdotal, plus disposé qu’aucun au-