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CONSULAT.

tre à l’obéissance passive ; enlever ainsi le clergé à l’opposition royaliste, et le pape aux intérêts de la coalition.

Le concordat fut inauguré en grande pompe dans l’église de Notre-Dame. Le sénat, le corps législatif, le tribunal et les principaux fonctionnaires assistèrent à cette cérémonie nouvelle. Le premier consul s’y rendit dans les voitures de l’ancienne cour, avec l’entourage et l’étiquette de la vieille monarchie ; des salves d’artillerie annoncèrent ce retour du privilége et cet essai de la royauté. Une messe pontificale fut célébrée par le cardinal-légat Caprara, et l’on fit entendre au peuple, dans une proclamation, un langage depuis longtemps inaccoutumé. « C’était au souverain pontife, disait-on, que l’exemple des siècles et la raison commandaient de recourir pour rapprocher les opinions et réconcilier les cœurs. Le chef de l’Église a pesé dans sa sagesse et dans l’intérêt de l’Église les propositions que l’intérêt de l’état avait dictées. » Il y eut le soir illumination et concert au jardin des Tuileries. Les militaires se rendirent à contre-cœur à la cérémonie de l’inauguration, et témoignèrent hautement leur désapprobation. De retour dans son palais, Bonaparte questionna à ce sujet le général Delmas. Comment, lui dit-il, avez-vous, trouvé la cérémonie ? — C’était une belle capucinade, répondit Delmas ; il n’y manquait qu’un million d’hommes qui ont été tués pour détruire ce que vous rétablissez.

Un mois après, le 25 floréal an X (15 mai 1802), il fit présenter un projet de loi relatif à la création d’une Légion-d’Honneur. Cette légion devait être composée de quinze cohortes de dignitaires à vie, disposés dans un ordre hiérarchique, ayant un centre, une organisation et des revenus. Le premier consul était le chef de la légion. Chaque cohorte était composée de sept grands-officiers, vingt commandants, trente officiers et trois cent cinquante légionnaires. Le but de Bonaparte fut de commencer une noblesse nouvelle. Il s’adressa au sentiment mal éteint de l’inégalité. En discutant ce projet de loi dans le conseil d’état, il ne craignit pas de faire connaître ses intentions aristocratiques. Le conseiller d’état