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CONSULAT.

corps combattirent vivement une loi qui recommençait l’inégalité. La Légion-d’Honneur n’obtint dans le conseil d’état que quatorze voix contre dix, dans le tribunat que trente-huit contre cinquante-six, et dans le corps législatif, que cent soixante-six contre cent dix. L’opinion montra pour ce nouvel ordre de chevalerie une répugnance encore plus marquée : ceux qu’on en investit d’abord en furent presque honteux, et le reçurent avec une sorte de dérision. Mais Bonaparte suivit sa marche contre-révolutionnaire, sans s’inquiéter de mécontentements qui ne pouvaient plus enfanter de résistance.

Il voulut assurer son pouvoir par l’établissement du privilége, et affermir le privilége par la durée de son pouvoir. Sur la proposition de Chabot de l’Allier, le tribunat émit le vœu : Qu’il fût donné au général Bonaparte, premier consul, un gage éclatant de la reconnaissance nationale. Conformément à ce vœu, le 6 mai 1802, un sénatus-consulte organique nomma Bonaparte consul pour dix ans de plus.

Mais la prolongation du consulat ne parut point suffisante à Bonaparte ; et deux mois après, le 2 août 1802, le sénat, sur la décision du tribunat et du corps législatif, et avec l’assentiment du peuple consulté par des registres publics, porta le décret suivant :

1. Le peuple français nomme, et le sénat proclame Napoléon Bonaparte premier consul à vie ;

2. Une statue de la Paix, tenant d’une main le laurier de la victoire, et de l’autre le décret du sénat, attestera à la postérité la reconnaissance de la nation ;

3. Le sénat portera au premier consul l’expression de la confiance, de l’amour et de l’admiration du peuple français.

On compléta cette révolution, en accommodant au consulat à vie, et par un simple sénatus-consulte organique, la constitution déjà assez despotique du consulat temporaire. « Sénateurs, dit Cornudet en leur présentant la nouvelle loi, il faut fermer sans retour la place publique aux Gracques. Le vœu des citoyens sur les lois politiques auxquelles ils obéissent, s’exprime par la prospérité générale ; la garantie