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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

Saint-Ouen. Elle établissait un gouvernement représentatif, composé du roi et de deux chambres : l’une des pairs, nommés à vie par le roi, l’autre de députés des départements ; elle assurait la liberté individuelle, celle de la presse, et celle des cultes, l’inviolabilité des propriétés, l’irrévocabilité de la vente des biens nationaux, la responsabilité des ministres, le vote annuel des contributions, l’indépendance des tribunaux ; elle garantissait la dette publique, rétablissait l’ancienne noblesse, et maintenait la nouvelle. Cette charte devait être jurée par les rois, à l’époque de leur sacre : elle répondait en général aux besoins de la nation et aux vœux exprimés, depuis vingt-cinq ans, par les esprits les plus distingués de la France. Immédiatement après sa lecture le chancelier donna communication de l’ordonnance qui constituait la chambre des pairs, composée de la plupart des anciens sénateurs, des maréchaux, et d’un grand nombre de dignitaires de l’ancienne cour et de la noblesse.

Une faute grave accompagna la promulgation de l’acte constitutionnel. Le roi s’était refusé à l’accepter comme condition de son élévation au trône, et l’octroya comme un simple acte de sa volonté souveraine, en même temps qu’il en datait le préambule de la dix-neuvième année de son règne. C’était ne tenir compte de tout ce qui avait eu lieu en France depuis vingt-cinq ans ; c’était élever la volonté royale, en vertu d’un prétendu droit divin inintelligible pour l’immense majorité des Français, au-dessus de la volonté de toute la nation ; c’était enfin mettre la charte en péril, et l’abandonner d’avance aux caprices d’un pouvoir ombrageux. En effet, si le prince, auteur de cette constitution, n’y reconnaissait lui-même qu’un acte émané de sa seule autorité, il était à craindre qu’un roi moins judicieux ou mal éclairé ne se crût un jour en droit de l’altérer ou de la révoquer, en vertu de la même autorité héréditaire et inaliénable. Les premiers résultats de cette faute capitale furent d’exagérer les inquiétudes prématurées des uns, et d’enflammer les audacieuses espérances des autres, et c’est à elle qu’il faut imputer une grande partie des malheurs de la restauration.