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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

par le ministère, fut adoptée à la suite d’orageux débats : elle était la plus grande concession qu’eussent encore faite les Bourbons à l’esprit constitutionnel, et ses résultats prouvèrent les difficultés extrêmes du terrain où se trouvait placée la dynastie régnante. D’autres lois d’une haute importance furent rendues l’année suivante. La France n’avait qu’un simulacre d’armée ; les engagements volontaires remplissaient mal le vide de nos légions, et il était urgent, en présence des étrangers, de rétablir sur un pied respectable les forces militaires du royaume. C’est dans ce but qu’en 1818 le maréchal Gouvion Saint-Cyr, ministre de la guerre, proposa la loi du recrutement : elle rétablissait, dans quelques-unes de ses dispositions, la conscription de l’empire ; le roi, malgré les répugnances de sa cour, renonçait par elle à une partie de ses prérogatives, et faisait une large part à l’ancienneté, dans la nomination aux grades : cette loi était contraire à l’article de la charte qui abolissait la conscription dans le royaume ; son utilité généralement sentie fit décider son adoption. La liberté individuelle cessa d’être suspendue, mais la presse périodique fut encore soumise à la censure : à la faveur d’un artifice, qui enleva le caractère de périodicité à plusieurs journaux, de brillants talents soutinrent presque sans entraves une lutte passionnée. L’opinion libérale et l’opinion royaliste eurent pour principaux organes, l’une la Minerve, et l’autre, le Conservateur. La verve de MM. Benjamin Constant, Jay, Étienne et de Jouy assura l’immense succès du premier de ces recueils ; le second fut redevable de sa vogue prodigieuse à la plume de MM. de Châteaubriand, La Mennais et Fiévée. Une considération puissante tendait à justifier les craintes qu’inspirait à cette époque au ministère la liberté de la presse. Les armées alliées occupaient le royaume, et il fallait les convaincre que leur appui n’était plus nécessaire aux Bourbons. Le calme apparent de la France pouvait seul amener la prompte libération de son territoire. Cet heureux événement marqua le cours de l’année 1818, et le duc de Richelieu eut la gloire d’y attacher son nom ; ce fut surtout grâce à son heureux