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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

ascendant sur l’empereur Alexandre que les souverains, alors assemblés au congrès d’Aix-la-Chapelle, consentirent à faire évacuer nos places et à rappeler leurs armées : quinze millions de rentes inscrites sur le grand-livre achevèrent de liquider envers l’étranger la dette de la France. Le duc de Richelieu donna presque aussitôt après sa démission, reculant devant les noms populaires de Benjamin Constant, de Manuel et de Lafayette, récemment sortis de l’urne électorale. Pour prix des services qu’il venait de rendre à la patrie, les chambres votèrent en sa faveur un don de cinquante mille livres de rente : Richelieu était sans fortune, et n’accepta point pour lui-même cette magnifique récompense. Il exerça le pouvoir dans un temps difficile, et la force impérieuse des circonstances comprima souvent ses généreuses dispositions ; il laissa, en quittant les affaires, la réputation d’un homme de bien et d’honneur ; mais l’insistance avec laquelle il demanda le sang du maréchal Ney, et poursuivit plusieurs autres proscrits, est un sujet de reproche pour sa mémoire. Alarmé du résultat des dernières élections, presque toutes libérales, il voulait que le ministère se rapprochât du centre droit[1] de la chambre, et désirait que la loi électorale fût modifiée : ses vœux à cet égard n’étaient point partagés par son jeune collègue, M. Decazes, alors en haute faveur auprès de Louis XVIII.

Plusieurs membres du cabinet se retiraient avec M. de Richelieu, et, d’après l’indication de M. Decazes, le roi nomma le général Dessolles président du conseil : M. de Serres reçut les sceaux, le maréchal Gouvion Saint-Cyr conserva le portefeuille de la guerre, M. Decazes obtint celui de l’intérieur, et fut véritablement l’âme et le directeur du nouveau ministère. Par suite des élections de 1817 et 1818, la majorité de la chambre des députés appartenait à l’opinion libérale ; il était à craindre que toute harmonie ne cessât entre elle et la chambre des

  1. Le côté droit de la chambre était celui où siégeaient les membres les plus ardents du parti royaliste. Les députés dont l’opinion libérale était la plus prononcée siégeaient en face, au côté gauche. Les membres modérés de l’un et de l’autre parti composaient les deux grandes fractions de la chambre qu’on nommait centre droit et centre gauche.