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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ment à des travaux publics, la plupart sans domicile, sans aveu, brûlèrent les barrières, infestèrent les rues, pillèrent quelques maisons ; ce furent eux qu’on appela les brigands. La nuit du 12 au 13 se passa dans le tumulte et dans les alarmes.

Le départ de Necker, qui venait de soulever la capitale, ne produisit pas un moindre effet à Versailles et dans l’assemblée. La surprise et le mécontentement y furent les mêmes. Les députés se rendirent de grand matin dans la salle des états ; ils étaient mornes, et leur tristesse venait bien plus d’indignation que d’abattement. « À l’ouverture de la séance, dit un député, plusieurs adresses d’adhésion aux décrets furent écoutées dans le morne silence de l’assemblée, moins attentive à la lecture qu’à ses propres pensées. » Mounier prit la parole ; il dénonça le renvoi des ministres chers à la nation, le choix de leurs successeurs ; il proposa une adresse au roi pour lui demander leur rappel, lui faire entrevoir le danger des mesures violentes, les malheurs qui pouvaient suivre l’approche des troupes, et lui dire que l’assemblée s’opposait solennellement à une infâme banqueroute. À ces mots, l’émotion jusque là contenue de l’assemblée éclata par des battements de mains et par des cris d’approbation. Lally-Tollendal, ami de Necker, s’avança ensuite d’un air triste, demanda la parole, et prononça un long et éloquent éloge du ministre exilé. Il fut écouté avec le plus grand intérêt ; sa douleur répondait au deuil public, la cause de Necker était celle de la patrie. La noblesse elle-même fit cause commune avec les membres du tiers-état, soit qu’elle considérât le péril comme étant commun, soit qu’elle craignît d’encourir le même blâme que la cour si elle ne désapprouvait pas sa conduite, soit qu’elle obéît à l’entraînement général.

Un député noble, le comte de Virieu, donna l’exemple, et dit : « Réunis pour la constitution, faisons la constitution : resserrons nos liens mutuels ; renouvelons, confirmons, consacrons les glorieux arrêtés du 17 juin ; unissons-nous à cette résolution célèbre du 20 du même mois. Jurons tous,