Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
510
HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

tes du pouvoir, et devenait insensiblement presque toute la France : il voyait avec orgueil à sa tête, dans la chambre élective, Benjamin Constant, Royer-Collard et Casimir Périer ; mais il avait à déplorer une perte immense ; Foy n’était plus : cent mille citoyens, l’élite du commerce, du barreau, de la littérature et de l’armée, suivirent ses funérailles, et protestèrent avec énergie contre la marche du gouvernement, en adoptant ses enfants, au nom de la patrie, sur la tombe entr’ouverte de leur père, le plus redoutable et le plus éloquent adversaire des ministres. La cour ne vit qu’un mouvement séditieux dans cette manifestation éclatante des sentiments d’un grand peuple, et continuait à suivre la voie dangereuse où la poussaient ses propres préjugés et les vœux impatients d’une grande partie de la noblesse et du clergé, lorsque le plus terrible ennemi de la congrégation et des jésuites entra tout à coup en lice pour les combattre. M. de Montlosier, ancien champion des vieilles libertés féodales et des prérogatives de l’aristocratie, dénonça la vaste organisation de la congrégation comme menaçante pour le maintien de la religion en France, et pour la sûreté de l’état ; et M. de Frayssinous, ayant laissé échapper à la tribune l’aveu de l’existence des jésuites dans le royaume, M. de Montlosier fit, contre leur rétablissement, un énergique appel aux lois de l’état par-devant la cour royale de Paris. Celle-ci, s’étant déclarée incompétente pour les poursuivre, M. de Montlosier s’adressa sur-le-champ à la chambre des pairs, qui, sur les conclusions de M. Portalis, accueillit la pétition en ce qui touchait à l’existence d’une société religieuse non légalement autorisée, et prononça le renvoi au président du conseil. C’était prendre fait et cause contre la congrégation ; celle-ci ne tarda point à se venger : dès ce jour la résolution fut prise d’enchaîner la presse, qui dénonçait les jésuites au pays, et d’annuler l’opposition de la chambre des pairs, qui appelait sur eux les rigueurs de la loi. L’exécution du premier projet ne se fit pas attendre : M. de Peyronnet présenta, dans les premiers jours de 1827, à la chambre des députés, la loi sous laquelle devait