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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/515

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RÈGNE DE CHARLES X.

périr la liberté de la presse, et la défendit contre les attaques désespérées du côté gauche, en la désignant sous le nom de loi de justice et d’amour. À peine connue, elle excita un soulèvement universel de l’opinion publique. L’Académie française s’honora en protestant contre elle, sur la proposition de Charles de Lacretelle, vivement soutenue par MM. de Châteaubriand, Lemercier, Jouy, Michaud, Joseph Droz, Alexandre Duval et Villemain, et une commission fut nommée dans son sein pour supplier le roi de retirer un projet si funeste. Charles X refusa de la recevoir, et répondit par des châtiments à cet acte d’indépendance courageuse. Il destitua de leurs emplois respectifs MM. Villemain, Lacretelle, et Michaud lui-même, l’auteur de la savante Histoire des Croisades, l’un des plus anciens serviteurs de la royauté. La loi, adoptée par la chambre des députés, rencontra une violente opposition dans celle des pairs. Le ministère comprit que, si cette chambre l’acceptait, elle en retrancherait du moins les dispositions les plus rigoureuses ; il la déroba, en retirant son projet, à cette dangereuse épreuve. Le peuple fit honneur au monarque de cette sage mesure : Paris illumina, et des cris de Vive le Roi ! se firent entendre au milieu des feux de joie et des acclamations populaires.

Charles X, qui heurtait, sans le savoir, toutes les sympathies nationales, attachait du prix à l’affection des Français pour sa personne : depuis longtemps il se sentait blessé du silence du peuple sur son passage, et, après avoir été témoin de l’ivresse des Parisiens à l’occasion du retrait de la loi sur la presse, il ordonna, pour le dimanche suivant, une revue générale de la garde nationale. Ce jour-là, Paris tout entier se transporta au Champ-de-Mars, où soixante mille hommes étaient sous les armes. Le roi passa dans tous les rangs, et parut satisfait de l’accueil qu’il reçut : presque partout cependant au cri de Vive le roi ! se mêla le cri réprobateur de À bas les ministres ! Quelques voix insultèrent, à l’insu du monarque, les princesses présentes à la revue, et, en défilant devant le ministère des finances, un bataillon fit entendre d’énergiques