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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

tifierait de cœur et de pensée avec la nation ; s’il était dit qu’il n’y aurait jamais accord entre la France de la révolution et la race de Charles X ; si cette race enfin était déjà condamnée dans les décrets mystérieux de la Providence, il faut avouer que l’administration de MM. de Villèle et Corbière, en hâtant cette catastrophe redoutable, contribua puissamment aussi à en adoucir les périls. Ce fut elle en effet qui, d’avance, rendit peu probable une lutte sanglante et prolongée, en ralliant à la charte tous les corps de l’état et presque toutes les classes de la nation, par le sentiment d’un danger commun et d’une réprobation unanime.

Quelques actes cependant d’une meilleure politique furent l’œuvre du ministère dans ses opérations financières et dans ses relations avec l’étranger. M. de Villèle favorisa le mouvement ascendant du crédit de la France, les efforts de son industrie manufacturière et son commerce extérieur. Il ne put, suivant son désir, et à l’exemple de la nation anglaise, faire reconnaître par la France l’indépendance des colonies espagnoles ; mais du moins il fit émanciper, par ordonnance royale, l’ancienne colonie de Saint-Domingue, et, par le traité du 6 juillet, le gouvernement français s’unit à l’Angleterre et à la Russie pour amener la fin des hostilités entre la Turquie et la Grèce. Le fils de Méhémet-Ali, Ibrahim-Pacha, appelé par le sultan, arrivait alors en Morée avec une flotte formidable, chargée d’une grande partie des forces militaires de l’Égypte : les Grecs épuisés étaient perdus sans l’intervention des puissances. Ibrahim refusa d’observer l’armistice prescrit par elles, et ce refus amena la glorieuse journée où l’escadre française sous l’amiral de Rigny, unie aux escadres anglaise et russe, foudroya et anéantit dans le port de Navarin la flotte égyptienne. Cette victoire sauva la Grèce et en fit une nation : la France l’apprit avec ivresse, et salua en elle la glorieuse aurore d’un heureux avenir. Cet enthousiasme fut partagé par le peuple anglais, qui se plut à rapporter l’honneur de ce triomphe au grand ministre dont il déplorait la perte : Canning n’était plus. Des orages s’annonçaient aux deux extrémités de l’Eu-