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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

nement. Presque tous les hommes éminents en science et en talent étaient passés dans les rangs de l’opposition, et ceux même qui avaient le plus énergiquement soutenu cette dynastie dans l’origine, ceux qui auraient eu le plus grand intérêt personnel à ce qu’elle se maintînt dans les voies constitutionnelles qu’ils lui avaient tracées, étaient la plupart devenus les chefs de la majorité hostile à son gouvernement : enfin, suspecte à la nation, surtout par les avantages qui pouvaient affermir son autorité, elle voyait le pays repousser la gloire qu’elle lui présentait, et l’opinion d’un grand nombre lui imputer à crime non seulement ses fautes, ou ses succès, mais encore les calamités qu’elle s’efforçait de conjurer. Plusieurs départements furent en effet, à cette époque, désolés par des incendies multipliés, et la rumeur publique s’égara jusqu’à reprocher au gouvernement d’être l’auteur de ces crimes.

L’époque de la convocation des chambres approchait, et l’esprit de vertige, avant-coureur de la ruine des empires, pénétrait de toutes parts dans le palais du roi de France. Des bruits étranges circulaient à Saint-Cloud, résidence de la cour, où l’on attribuait les imposantes manifestations de l’esprit public à la pernicieuse influence d’un comité directeur : c’était lui seul, disait-on, qui détachait la France de son roi. Les fonds publics avaient-ils baissé depuis la nomination du ministère, c’était l’œuvre du comité directeur ; les populations des villes du Midi faisaient-elles un bruyant et glorieux cortége au général Lafayette, à son retour des États-Unis, où il avait joui du plus beau triomphe qu’un homme puisse ambitionner, c’était le comité directeur qui commandait leurs acclamations ; le peuple, au contraire, restait-il froid et indifférent à la nouvelle de la conquête d’Alger, c’était le comité directeur qui lui prescrivait le silence : il suffisait de découvrir les membres de ce comité, de faire un exemple sur quelques-uns, pour que tout rentrât sur-le-champ dans l’ordre et l’obéissance ; il fallait en finir avec la révolution et les révolutionnaires : le nom de Napoléon était dans toutes les bouches ; ceux qui jadis l’accablaient d’outrages, n’avaient plus assez d’éloges pour son