Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/12

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dégoûtante ! J’ai perdu le respect de moi-même, monsieur ; j’en rougis ; jamais je ne relèverai la tête parmi mes semblables. »

En finissant, de parler, il se laissa retomber la tête entre les mains, et ne put ainsi remarquer ni le malicieux sourire de notre agent comptable ni le rire étouffé qui circulait parmi les auditeurs que la violence de son langage avait attirés autour de lui.

La demoiselle de notre société, car nous avions parmi nous une demoiselle, ne se faisait remarquer que par la solitude où elle se tenait et par le silence qu’elle observait. À notre arrivée à Québec, il se fit en elle une métamorphose complète. Nous la regardions, stupéfaits de la voir dans un état d’extrême agitation, arpenter en tout sens le débarcadère, en cherchant quelqu’un qui ne se présentait pas. Trompée dans son attente, elle finit par s’élancer, presque hors d’elle-même, vers le bureau du télégraphe. Le soir même, nous la retrouvions à l’hôtel, assise à côté d’un jeune monsieur et aussi paisible que jamais. Nous apprîmes alors qu’elle était venue en Amérique pour se marier, que son prétendu était arrivé trop tard pour assister à son débarquement ; cependant il avait fini par se montrer et par tenir honorablement sa parole. Un Irlandais impétueux, éclatant toujours en rires sonores ; un Américain du Nord, qui s’emportait incessamment contre les rebelles ; vingt autres encore, complétaient notre liste des voyageurs de première classe. Parmi eux, nous présenterons au lecteur, avec sa permission, M. Treemiss, un homme comme il faut, qui allait chasser, ainsi que nous, le bison dans les plaines et qui partageait tout l’enthousiasme de nos espérances pour la vie que nous mènerions dans l’Occident lointain. Nous n’avions pas tardé à nous lier intimement avec lui et nous étions convenus de voyager ensemble aussi loin que nous le permettrait la diversité de nos projets.

Avant d’atteindre les rives de Terre-Neuve, nous avions rencontré des preuves nombreuses d’une tempête récente. Des épaves flottaient fréquemment autour de nous et nous avions