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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/159

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tions qu’il donnait étaient, pour nos visiteurs indiens, une source toujours nouvelle d’admiration et de plaisir. Jamais ils ne se lassaient de le voir se tenir sur la tête, marcher sur les jambes de derrière, ou s’asseoir dans la posture d’un mendiant. Chacun de ses faits et gestes excitait parmi les spectateurs de tumultueux ouah ! ouah ! aiwarkens ! qui exprimaient leur stupéfaction ; mais surtout celui qui consistait à surveiller un morceau de viande mis sur le plancher ou posé en équilibre sur le bout de son nez. Les Indiens ne pouvaient pas comprendre comment on réussissait à dresser un chien à attendre le mot d’ordre au lien de se jeter sur la nourriture. Leurs propres chiens, qui ne sont jamais nourris que quand ils travaillent, sont toujours si maigres et si voracement affamés, qu’ils volent tout ce qu’ils peuvent atteindre. Quand on est en train de tailler la viande, la squau a bien soin de tenir un gros bâton dont elle frappe sans pitié les chiens que la faim pousse à saisir toutes les occasions de dérober un morceau oublié.

La seule personne civilisée dont nous eûmes à cette époque la visite était un M. Tait, métis au service de la Compagnie, en résidence à Carlton. Il était venu dans une carriole traînée par des chiens recueillir des fourrures parmi les Indiens de notre voisinage. Il nous donna des gâteaux et des pommes de terre ; c’étaient des délicatesses dont nous n’avions pas goûté depuis bien longtemps. De lui, nous apprîmes qu’il y avait eu presque partout une grande disette. Au fort près du lac de l’œuf, on avait été obligé pour vivre de faire bouillir afin de les réduire en pâte les peaux de bison. Deux hommes qu’on avait dépêchés de là pour obtenir des secours à Touchwood-Hills, l’endroit le plus voisin, y étaient arrivés presque morts de faim, et y avaient trouvé les habitants à la dernière extrémité et incapables de les aider en rien. Au fort La Corne[1], on avait longtemps souffert, et, même

  1. Le fort La Corne est au confluent des deux Saskatchaouanes. (Trad.)