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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/18

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plat, n’ayant qu’une roue à l’arrière, avec fort peu de tirant, cependant elle s’engravait souvent. Cela nous donna l’occasion d’apprendre comment un bateau américain se tire des bas-fonds de rivière. Deux ou trois hommes sautaient immédiatement par-dessus le bord et allaient planter une grosse perche surmontée d’une poulie. On y faisait passer une forte corde attachée par un bout à un câble qui passait sous le bateau, et par l’autre au cabestan du bâtiment ; puis on se mettait à virer au cabestan : l’embarcation se soulevait, la roue de l’arrière poussait en même temps et le navire passait du banc de sable dans l’eau profonde.

Le paysage était charmant. La rivière, divisée en plusieurs bras, entourait des flots boisés ; le long des rives, s’arrondissaient de belles collines, les unes couvertes d’arbres de haute futaie, les autres nues et toutes verdoyantes. Aux environs du lac Pépin[1], qui est un petit bassin d’un mille en largeur sur sept ou huit milles de long, rempli par le Mississipi, le temps changea d’une façon délicieuse. Dans l’étroit canal du fleuve, nous avions été accablés de chaleur ; ici, une fraîche brise ridait la surface du lac ; du bord du bateau, on pouvait voir de tout côté bondir les poissons et admirer un pays réellement beau. Le lac a une ceinture de collines et de bois. Vers le milieu, s’élève tout à coup. du sein de l’eau, une haute falaise, à grand air, et qu’on appelle « la Roche de la Vierge. » Ce nom lui vient d’une vieille tradition indienne. Une jeune fille, préférant la mort à un prétendant détesté que ses parents lui voulaient imposer, se précipita de là dans le lac, où elle se noya. Après le lac Pépin, la rivière devenait encore plus basse et plus embarrassée, et nous y fûmes si souvent arrêtés que nous gagnâmes Saint-Paul plusieurs heures seulement après la tombée de la nuit.

  1. Pippin Lake, lac Pépin ; voir le Tour du Monde, 1861, 1er semestre, p. 271. (Trad.)