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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/190

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la paille. Il tenait à la main un énorme bâton. Bref, toute sa personne annonçait un singulier mélange de l’homme d’église et du paysan. L’accent de son île natale se faisait vivement sentir dans sa prononciation, et de nombreuses citations d’auteurs grecs et latins émaillaient son discours. Il se présenta à nous en nous faisant un petit speech flatteur à la fois pour lui-même et pour nous, où il nous apprenait qu’il était petit-fils du célèbre évêque O’B…, et qu’il avait pris ses grades à l’université de Cambridge. Nous devions aisément comprendre combien un homme de sa naissance et de son éducation éprouvait de plaisir à faire la rencontre de deux membres de sa chère université aussi distingués que nous. Il nous donnait ensuite l’avis qu’il était homme d’habitudes paisibles et studieuses, et qu’il avait horreur de cette existence vagabonde et dangereuse à laquelle il était maintenant condamné. Puis il nous surprit en nous disant sur nous, nos parents, amis et connaissances, presque autant que nous en savions nous-mêmes. Il n’ignorait ni leur personne, bi leur demeure, ni leur fortune ; familles, espérances, goûts, particularités : rien ne lui échappait, et il nous apprenait ce qu’il en pensait. Tout ce qu’il avançait était exact, et nous avions beau l’interroger le plus adroitement que nous pouvions, nous ne réussissions pas à le prendre en défaut. Enfin il se mit à nous raconter histoire de sa vie aventureuse.

Lorsqu’il était sorti de l’université, il s’était destiné au berceau et s’était mis à écrire dans les journaux. Ensuite il était parti pour l’Inde, et avait publié un journal à Lahore. Un an ou deux après, il était revenu en Angleterre. Trouvant difficile de s’y faire une position, il avait suivi le conseil d’un de ses vieux amis de collége qui s’était établi dans la Louisianne, et y était allé chercher fortune. Bientôt il y avait obtenu la place de secrétaire chez un riche planteur, et y avait quelque temps mené une vie pleine d’aisance et d’espoir. Mais les vicissitudes de sa carrière n’étaient qu’à leur début. La guerre civile entre les