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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/191

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États du Nord et du Sud ayant éclaté, le paisible M. O’B… avait été tiré de ses rêves de repos et de sécurité par le bruit et la confusion des préparatifs militaires. Déjà fort alarmé par cette perspective des hostilités, il ne cessait pas d’espérer qu’on le considérerait comme exempté du service. Mais un jour son ami le planteur était venu à lui, plein de joie et d’émotion, et, lui donnant une cordiale poignée de main, lui avait tenu ce langage : « Mon cher M. O’B…, permettez-moi de vous offrir mes félicitations de tout mon cœur sur l’honneur qu’on vient de vous faire ; vous avez, à l’unanimité, été élu capitaine de la garde nationale. »

Le nouveau capitaine s’était senti frappé d’horreur. Son imagination n’apercevait plus que les baïonnettes effilées dirigées contre son abdomen, et que le coupant des sabres jetant des éclairs en descendant sur son crâne ; ses oreilles effrayées entendaient déjà le sifflement des balles et les explosions des canons et des fusils ; il n’avait plus sous les yeux que les blessures, les spasmes de l’agonie et la mort. Balbutiant quelques remercîments qui parurent au méridional assez froids pour la circonstance, il échappa à son ami désappointé et fit secrètement des préparatifs d’évasion. La nuit même il prit le peu d’argent qu’il avait sous la main, et abandonnant tout ce qu’il possédait d’ailleurs, il se mit à fuir l’honneur qu’on lui destinait. Il réussit à passer les frontières, et parvenu dans les États du Nord, il y obtint une place de professeur classique dans un collége. Mais c’était une institution qui n’avait d’autres fonds que les souscriptions volontaires. Elle tomba sous la pression de la guerre ; on en réduisit le nombre des professeurs, et la position de M. O’B… s’en alla à yau-l’eau. Il jeta l’ancre quelque temps près de Saint-Paul, dans le Minnesota, puis il se rendit au fort Garry, avec l’intention de fonder une école dans |’établissement de la Rivière Rouge. Mais les métis se souciaient médiocrement du grec et du latin, et ils n’apprécièrent pas, comme ils méri-