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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/212

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pas toucher à une arme si dangereuse. Il se contenta de prendre la grande hache et, bien qu’on pût douter qu’il s’en servît d’une façon très efficace en cas de besoin, il la mit sur son lit. Quant à nous, le récit de L’Assiniboine nous avait fort excités et nous convînmes d’aller, au point du jour suivant, à la poursuite des ours.

Aussitôt que la lumière commença, nous fîmes nos préparatifs de chasse. La femme et le garçon devaient nous accompagner pour chercher le castor que L’Assiniboine avait tiré la veille, et M. O’B., à sa grande épouvante, resterait seul chargé de la garde du camp. Il fit de fortes remontrances : à son avis, les ours ne manqueraient pas de profiter de notre absence pour attaquer une position sans défenseur. Nous fûmes inflexibles. Delirant reges, plectuntur Achivi[1], s’écria le pauvre désespéré. Il se retira dans la loge, fit tomber la portière, alluma un feu effrayant pour tenir l’ennemi à distance et demeura assis, tenant la hache à ses côtés et plein d’anxiété, jusqu’à notre retour. Quant à nous, sous la conduite de L’Assiniboine, nous arrivâmes au lieu où la veille s’était passée son aventure. Tout y confirmait les détails de son récit. Les troncs pourris étaient déchirés, le sol mou et l’herbe longue gardaient les énormes empreintes des ours ; une trace foulée montrait l’endroit où ils avaient chargé l’homme à plusieurs reprises ; on suivait la piste de ce dernier lorsqu’il avait fait le circuit pour aller se poster derrière sa barricade, et l’on voyait les marques des ours s’éloignant en toute hâte de cet endroit. Il semblait pourtant évident qu’ils avaient passé la nuit dans le voisinage, car nous trouvâmes très-fraîches les traces qu’ils avaient laissées en traversant le ruisseau et, sur l’autre rive, l’eau qui avait dégoutté de leurs épaisses fourrures n’était pas encore séchée.

Nous suivîmes la piste. L’Assiniboine nous guidait à grands

  1. Ce sont les Grecs qui souffrent des folies des rois. (Trad.)